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HADJ 2023 : Le grand cafouillage !

 

Le hadj de cette année s’est déroulé dans des conditions exténuantes pour les pèlerins Nigériens. Ces derniers ont consenti d’énormes sacrifices pour rendre possible ce rendez-vous annuel et spirituel aux Lieux Saints de l’Islam. Sur les différents sites, selon nos sources, l’édition du hadj 2023 n’a pas été aussi reluisante comme l’a souhaité le Commissariat à l’organisation du Hadj et de la Oumra (COHO) et comme le font croire aujourd’hui ses communicateurs.

Le COHO avait mis œuvre certaines recommandations du Forum National sur l’organisation du Hadj et de la Oumra au Niger tenu à Niamey, en fin Janvier 2023, pour un pèlerinage de qualité. Il s’agit notamment des innovations dans le transport des pèlerins, leur hébergement, l’encadrement et la restauration. Avec un coût dispendieux de 3.258.733 FCFA, le Commissariat, les agences, les pèlerins et l’ensemble des Nigériens avaient espéré une meilleure organisation dans des conditions très décentes.

Si la diversification des transporteurs a été appréciée par tous, il n’en demeure pas moins que le hadj 2023 est loin d’avoir été un succès contrairement au boucan fait par le COHO. Le monde a été témoin des ratés dans certains plans de vol, mais le convoyage aller reste globalement une réussite. Nous ne doutons aucunement que le Commissariat prendra des mesures d’amélioration pour les années à venir. Seulement, l’obstination de l’autorité à contracter avec Max Air a, chaque année, impacté très négativement l’organisation du transport des pèlerins. Pendant qu’on salue la présence de la compagnie saoudienne Flynas et de Ethiopian Airlines, Max Air fait vivre un calvaire psychologique aux pèlerins au départ par l’incertitude du voyage et les pannes pendant ou après l’embarquement des passagers.

La limitation des vols réguliers est aussi décriée par mille et une voix jamais écoutées : beaucoup de travailleurs et fonctionnaires ayant des jours de congés limités, d’autres venant de la diaspora ne doivent tout simplement pas être soumis au jeu vénal du COHO. Par ailleurs, pendant plusieurs jours, le Commissariat a été incapable de communiquer le plan des vols charters alors qu’il y avait des milliers d’employés de bureau parmi ces pèlerins. L’incertitude augmentant le niveau de déception et de stress.

L’optimisme affiché connaitra son désenchantement sur le terrain. Selon des sources témoins, cette édition 2023 était un cafouillage à plusieurs niveaux. De façon générale, certaines innovations pilotées par le COHO ont contribué au désordre : l’obligation pour un Groupe de convoyer au moins 1.000 pèlerins à héberger dans le même hôtel à Médine comme à la Mecque et non loin des deux saintes mosquées ; la constitution d’une caution onéreuse de 200 millions (caution saisissable en cas de manquement aux devoirs vis-à-vis des pèlerins) par le Chef de Groupe. Les agences sont donc prises en otage. C’est la confusion programmée en ce sens que la pléthore de pèlerins dans le même immeuble est irréaliste quand on sait que l’hygiène et l’ordre ne sont pas la première qualité de nos concitoyens, que les agences cupides ne vont pas respecter certaines exigences de l’encadrement, que gérer plus de mille pèlerins est tout simplement une opération inextricable (pour qui connait la vie au hadj), …

Ainsi toutes les initiatives créatrices des agences, en dépit de leurs expériences avérées dans l’organisation du hadj, sont anéanties de facto par les nouveautés qui restent, elles, contreproductives. On est allé donc de l’euphorie des innovations à un amer désenchantement, un vrai naufrage en Terre Sainte.

Les pèlerins Nigériens n’ont jamais vécu auparavant les épreuves auxquelles ils sont soumis cette année, nous apprend-on. Telle est la conséquence d’un certain amateurisme dans l’organisation lorsque déjà certains responsables de groupes ne sont que des novices fliqués (capables de déposer la caution exorbitante), des personnes qui n’ont, au demeurant, jamais organisé le hadj. Ce fut une désolation de découvrir que certains chefs de groupe avaient été identifiés avant même la constitution des groupes ; et qu’une fois sur les lieux, des chefs d’agences ont fait face à des problèmes de conflits d’autorité, de déficit d’information, se retrouvant pour la plupart comme de simples pèlerins. Le COHO a validé une liste d’encadreurs suite à une évaluation individuelle. La seule conséquence de cet exercice est la délivrance d’un badge. Rien de plus. La majorité des pèlerins ont été laissés à eux-mêmes selon les témoignages.

Le principe de l’hôtel de 1.000 pèlerins n’a pas été respecté. Les chefs de groupes ont été obligés de prendre, pour l’essentiel, des hôtels beaucoup plus loin que ceux habituellement occupés par les Nigériens. Certains pèlerins se retrouveront à 5, 6 ou 7 par chambre alors que le COHO exigeait un plafond de 5 personnes. A La Mecque, les hôtels homologués par le Commissariat au hadj sont assez loin de la Mosquée al-Haram et parfois dans des quartiers qui manquent cruellement de taxis. Un pèlerin dit parcourir 4km pour rejoindre la Kaaba ! Quant au bureau du COHO lui-même, il s’est fait loger dans un imposant et luxueux building, à mille lieues de la zone de concentration des pèlerins et de la Sainte Mosquée. L’infirmerie de la mission manquait carrément de certains produits, obligeant des patients avertis à se rabattre sur les hôpitaux mecquois.

La grande épreuve était à Mina, à Arafat et Muzdalifa, malgré un laconique compte-rendu de réunion entre le COHO et les agences après le hadj. Des sources bien renseignées nous ont confié que le Commissariat était bel et bien informé du nombre de places accordées aux Nigériens sur les sites. En serait-il autrement lorsque le même COHO clamait avoir envoyé une mission d’évaluation de ces sites ? Si tel n’est pas le cas, alors c’est une défaillance inacceptable et un cuisant aveu d’échec.

Même si, comme on le dit, cette étape est une phase de l’éducation du croyant, les conditions minimales devaient être réunies pour accomplir décemment les obligations rituelles. Un espace de 12.000 places pour près de 16.000 pèlerins auxquels viennent s’ajouter l’équipe du COHO et ses personnes ressources. Des milliers de pèlerins se retrouvent sous un échangeur, sans eau buvable, avec un déjeuner servi à compte-gouttes à 17h ou 18h, un diner pris à 22h ou 23h. Le séjour s’est soldé par de nombreux malades et l’escapade précoce de beaucoup de pèlerins vers la Mecque alors que le départ devait se faire après la prière de Zuhr du 12ème au plus tôt.

Il faut noter aussi le cafouillage dans le transport et l’hébergement des pèlerins, à Arafat avec des tentes insuffisantes sous un soleil de plomb et à Mouzdalifa où certains arrivèrent quelques minutes avant l’aube naissante ; une merveilleuse catastrophe pour plus des trois quarts des Nigériens squattant sur le goudron. Quelle douceur !

Certes, il n’y avait pas que les pèlerins Nigériens qui ont vécu le calvaire de Mina mais notre COHO n’a pas été proactif. Dans tous les cas, le malheur des autres ne dédouane en rien la conscience quant à nos propres insuffisances. Si le hadj n’était pas un pilier central de la religion, beaucoup allaient surement y renoncer par dépit. Aller au Hadj est en passe de devenir un cauchemar pour le croyant Nigérien depuis quelques années. Les pèlerins ont vécu l’inédit même si l’opération de communication a tenté de minimiser le méli-mélo.

L’épilogue de la « mésaventure 2023 » est le long séjour des pèlerins Nigériens après le hadj. Le coût de la vie à la Mecque et les tracasseries pour l’accès des croyants à la Sainte Mosquée, au point de se sentir indésirés, sont tout simplement écrasants.

Apprenons de nos erreurs :

Nous pensons que le COHO, les agences et les autres acteurs dans l’organisation du hadj et de la Oumra peuvent s’instruire des expériences de toutes les années. En effet, « pour arriver à l’aube, il n’y a d’autre voie que la nuit. »

Il faut d’ores et déjà que :

  • L’autorité se rende effectivement compte et en tire les conséquences du fait que les Nigériens ont perdu toute confiance en Max Air ;
  • Le COHO fasse son mea-culpa par rapport à toutes les insuffisances constatées dans la conduite du hadj et particulièrement la présente édition ;
  • La limitation des vols réguliers pour les agences soit levée et que le processus soit libéralisé mais encadré ;
  • Le COHO mette les pèlerins dans des conditions respectables durant la phase d’aiguillage à Niamey au lieu de les entasser pour de longues heures à Amir Sultan sans les commodités décentes ;
  • Le COHO lève l’exigence de la taille de groupe de 1000 pèlerins et se donne les moyens de sa politique de qualité souhaitée ;
  • La formation technique et spirituelle des encadreurs soit renforcée ;
  • Le COHO exige des agences un programme de formation des candidats au hadj ;
  • Le COHO communique avec les groupes sur tout le dispositif en place sur les sites bien avant le convoyage des pèlerins et renforce le contrôle du respect des exigences ;
  • Les bureaux du COHO se rapprochent des hôtels ;
  • La navette du COHO soit plus présente sur nos lieux d’hébergement.

Telle est notre contribution à ce noble rite qu’est le pèlerinage, l’aboutissement de toute une vie. Qu’Allah soulage les peines, agrée notre hadj et adoucisse les cœurs.

Attikou Issa

Al Wassatiyah Niger N°003 du lundi 17 juillet 2023

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