Cheick Oumarou Ismaël : Il était une fois, le ‘’marabout des marabouts’’…

Voilà plus d’une décennie qu’il n’est plus de ce monde, mais son ombre continue de planer car ses souvenirs restent encore vivaces dans la mémoire collective des Nigériens. Ayant tiré sa révérence dans la nuit du lundi 23 octobre 2012, à l’âge de 95 ans, feu Cheick Oumarou Ismaël (qu’Allah lui fasse miséricorde) a assurément marqué la vie sociale et religieuse au Niger. Imam de la Grande Mosquée de Niamey et président de l’Association Islamique du Niger (AIN), ce prédicateur pétri de savoir et de sagesse fut (et demeure) incontestablement la grande figure emblématique de l’islam de notre pays.

Né en 1917 à Say, ce grand érudit bien connu pour sa saine croyance, son verbe mesuré et son savoir-vivre, est apprécié comme étant apolitique et généreusement conciliant. Cette vertu qui caractérise sa personnalité est sans doute le fruit de son éducation religieuse fondamentale, dans le pur respect des préceptes du Coran et de la Souna du prophète, Mohamed (PSL). En effet, feu Cheik Oumarou Ismaël est issu d’une famille profondément attachée à l’Islam. Ce ‘’marabout, fils de marabout’’ est l’un des rares oulémas Nigériens à avoir accédé à une double formation en sciences religieuses.

En effet, disciple de son propre père, dès sa tendre enfance, il a d’abord reçu la formation coranique classique, sous la lumière du ‘’doudal’’ (flambée), à Say, au cœur de la légendaire cité religieuse de la boucle du fleuve Niger.

Il a ensuite bénéficié d’une formation académique en langue arabe et en islamologie en Irak. Ces études supérieures lui ont permis d’approfondi ses connaissances en théologie, en grammaire et en littérature : il a étudié le sermon, la poésie islamique et antéislamique, ainsi que le Tafsir. C’est à juste titre que beaucoup de fidèles musulmans s’accordent à affubler ce diplômé de plusieurs grandes universités arabes, du surnom assez évocateur de ‘’marabout des marabouts’’ (Alfagay Alfaga).

Nanti d’un tel cursus, il n’a été difficile de trouver à travers la personne de cet érudit ouvert, calme et rassembleur, l’homme qu’il fallait pour diriger l’Association Islamique du Niger (AIN) à sa création suite au coup d’état militaire de 1974. Imam de la Mosquée des Grandes Prières de Niamey, Cheik Oumarou Ismaël a su diriger avec honneur et clairvoyance l’Association Islamique du Niger durant près de 40 ans.  Et, en 2006, lorsque le Conseil Islamique du Niger a été institué, les principaux membres de ce Conseil n’ont pas hésité pour le désigner comme leur président. Finalement, en 2010, se sentant gagné par le poids de l’âge, il décida de se retirer volontairement de toute activité associative.

En plus d’avoir consacré toute sa vie à l’Islam, feu Cheik Oumarou Ismaël a vaincu le cœur des Nigériens pour son intégrité et sa modération.  Homme de paix et de tolérance, il a toujours prôné la sagesse, la paix et la coexistence pacifique entre les religions et les confréries. Ces valeurs lui ont été également d’un grand secours pour mener et réussir la médiation entre les acteurs politiques, notamment à certains moments troubles et tendus de la vie socio-politique nationale.

Avec son décès survenu deux ans seulement après sa retraite, ‘’le vieux’’ reconnu comme le plus haut dignitaire religieux du pays, laissa un grand vide en matière de leadership dans le milieu des oulémas. Aussi, sa disparition avait-elle été reçue avec une vive émotion partout au Niger, voire dans la sous-région, car son aura dépassait largement les frontières nationales.

En livrant son témoignage à l’occasion fatidique de son décès, un des proches compagnons de l’illustre disparu, et membre de l’Association Islamique du Niger, Ismaël Jibril Karanta (actuel président de l’AIN) confiait qu’Alfa Ismaël était un prédicateur hors pair. « Il aime la justice, il est modéré et partage ses connaissances avec les autres. Le dénominateur commun de ses conseils qu’il nous prodiguait était en un mot la patience », témoignait-t-il.

Quant à Touré Mahamadou, un autre membre du Conseil islamique du Niger de l’époque, il a estimé qu’avec le décès de Cheick Oumarou Ismaël le Niger perdait une grande figure religieuse. « Nous avons perdu un baobab, un savant, un unificateur et conseiller pour la Oumma islamique du Niger. Notre pays présente l’image d’un islam modéré et tolérant qui renforce son originalité. Le Cheick a joué un rôle prépondérant depuis qu’il était à la tête du Conseil Islamique du Niger pour le maintien de cette valeur de notre religion », disait-il.

Pionnier d’un islam de paix et de tolérance, feu Oumarou Ismaël a imprimé sa marque indélébile sur le monde islamique nigérien en prêchant toujours et en toute circonstance le dialogue constructif et le pardon entre les fils et les filles du Niger, voire entre tous les musulmans du monde entier.

Aujourd’hui encore, à des moments difficiles de la vie nationale, beaucoup de fidèles musulmans regrettent encore la disparition de ce grand sage respecté de tous qui a toujours su trouver les mots doux pour apaiser le cœur des Nigériens.

Repose en paix, grand homme de foi !

Maïda Hâma

Al Wassatiyah Niger N°001 du mardi 2 Mai 2023