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Interview exclusive : Les vérités d’Ali Zada pour une transition porteuse de progrès !

Ali Zada, 68 ans, fondateur du journal Iqra, dans les années 90, est aujourd’hui expert en politiques publiques et enseignant à Swiss Umef University de Niamey. Dans cette longue interview, il décrypte la situation actuelle du Niger après le changement intervenu le 26 juillet 2023. Il apprécie le contexte actuel, dresse le bilan du processus démocratique et formule des propositions pour le développement intégral du Niger.

 

 

Al Wassatiyah :     Après le changement de régime intervenu le 26 juillet dernier, notre pays est sous une transition qui débouchera certainement sur des réformes en profondeur engageant la vie de la nation. Quelle appréciation faites-vous de la nouvelle trajectoire du Niger ?

 

Ali Zada : Au nom d’Allah, Clément et Miséricordieux. Louange à Allah, Créateur et animateur de l’univers.  Paix et bénédictions divines sur le Prophète Muhammad, sa famille et ses compagnons.

Plus que la destitution du régime vomi par le peuple, incompétent, corrompu et antipatriotique du PNDS et ses alliés politiques, la grande victoire engrangée par le peuple nigérien contre le néocolonialisme français est sans doute l’acquis le plus significatif de ces moments. En effet, pour la première fois depuis son histoire post-coloniale, le peuple nigérien s’est dressé en bloc pour chahuter le néocolonialisme français à travers tous ses symboles que sont sa présence militaire, le FCFA et l’enrôlement bénévole de nos dirigeants comme valets à l’Elysée. Ainsi, la présence militaire, dénoncée comme un canal à peine déguisé de soutien au terrorisme, le pillage de l’uranium et le Franc CFA qui siphonne la richesse nationale, sont au menu des désaveux exprimés par le peuple nigérien.

Il faut dire que nous sommes à un tournant crucial du réveil des peuples opprimés. Aujourd’hui, même le paysan sans instruction comprend du fond de sa campagne que la présence militaire française au Niger est à la base du développement du terrorisme et qu’elle ne saurait perdurer davantage. Ce paysan admet aussi que les Nigériens qui ont fait un deal antinational pour jouir du soutien de cette puissance étrangère en la laissant perpétuer sa domination, se sont inscrits au verso de l’histoire du Niger et qu’ils doivent être jugés pour leurs crimes de toutes les qualifications contre le pays.

Les Nigériens se sentent libres depuis le 26 juillet et ont significativement rehaussé le niveau de fierté pour leur pays. Il leur reste à faire bon usage de cette ‘’liberté nouvelle’’ pour promouvoir une véritable émancipation politique, économique et culturelle. Car, il faut le dire, le tout n’est pas de faire déguerpir les bases de l’armée française. Encore que la pire des armées d’occupation, notamment celle de l’Amérique est toujours sur notre sol.

Le défi est donc de mettre le pays sur une trajectoire du développement en le sortant de celle de la ‘’destruction du développement’’, car il faut comprendre que depuis les programmes d’ajustement structurel du FMI, nous n’étions pas un pays simplement sous-développé, mais nous détruisions le développement par une série de réformes économiques et sociales aveugles et antinationales. La désindustrialisation, l’échec répété des politiques agricoles, le bradage des ressources naturelles au capital étranger et la ruine des politiques sociales sont, entre autres, les causes de cette tragédie nationale perpétrée de la main de nos élites.

Au demeurant, le classement régulier du pays aux trois derniers rangs sur l’indice synthétique IDH, corrobore la théorie de ‘’destruction du développement’’. Nous ne sommes donc pas un pays sous-développé. Ce statut colle bien à des pays comme le Botswana, l’Ethiopie, le Rwanda et l’Angola qui promeuvent des politiques d’investissement et d’industrialisation assez ambitieuses en domptant l’Investissement Direct Etranger. Au Niger, nous sommes depuis plus de trente ans un pays ‘’destructeur de développement’’ et non un pays sous-développé. Il faut que cela soit clair dans les esprits.

Le défi pour le CNSP et le gouvernement est donc d’opérer une transformation économique structurelle visant le passage d’une économie anémiée reposant sur l’exportation de matières premières, à une économie complexe reposant sur une agriculture moderne et un secteur diversifié d’industries lourdes nourries aux ressources naturelles abondantes. Il s’agit donc de promouvoir un Etat au service du développement et du peuple et non un Etat fonctionnant comme une fin en soi, simplement préoccupé à maintenir le fonctionnement de son appareil.

Pour ce faire, le passage du statut de pays ‘’destructeur de développement’’ à celui de ‘’pays développementiste créateur et redistributeur de richesse’’ constitue le défi lancé aux élites nationales nigériennes et l’indicateur avec lequel l’histoire les jugera. Cette élite qui a par trop longtemps trahi les aspirations des populations, saura-t-elle enfin tirer de la misère les dizaines de millions de Nigériens désespérés de manger un jour à leur faim ? C’est ce défi qu’il faut lancer et réussir, pour peu que nous ayons de la pitié pour nos populations. C’est un tel défi qui peut rassembler les Nigériens et éveiller le génie national.

Les assises de la refondation passeront à côté de la plaque si elles doivent être sorties de leur rôle historique de sauvetage du pays en ne parlant que de ‘’démocratie’’ pour permettre aux forces maléfiques de reprendre du service. Nous avons soif de sécurité et de bien-être et non de démocratie qui nous a tant traumatisés. Ce mot évoque pour les Nigériens des personnages beaux parleurs et grands prometteurs dans leur vie de simples citoyens, mais dirigeants cupides, sournois, manipulateurs et cruels qui piétinent tous les jours la constitution. Ce mot évoque de la discorde nationale permanente.

 

Il faut sortir des politiques d’austérité qui n’ont produit que misère et désolation depuis quatre décennies

Le Niger veut oublier ses politiciens de l’ère post-conférence nationale. Il veut aussi oublier les technocrates qui se sont montrés incapables de transformer un pays dotés d’énormes richesses. Le Niger a besoin de développeurs dans ses hautes administrations économiques et financières et non d’experts en finances publiques, bons élèves du FMI dont la confiance naïve placée en ses recettes insidieuses a ruiné le pays. L’économie nigérienne anémiée depuis des décennies par les politiques d’austérité dictée par le FMI et asphyxiée depuis le 26 juillet, a besoin de créer massivement de la richesse nouvelle et non de recycler des impôts et des taxes pour les réinjecter dans l’économie. Il faut sortir des politiques d’austérité qui n’ont produit que misère et désolation depuis quatre décennies. Nous avons serré la ceinture jusqu’au dernier trou.

L’élite gouvernante nigérienne doit impérativement se présenter à ce rendez-vous du changement de paradigme économique, quoique je ne vois encore rien qui présage de cette réorientation cardinale. En tout cas, après six mois personne n’a encore exposé de la vision aux Nigériens. Je m’en tiens donc à la navigation à vue adoptée comme politique économique.

Notre toute première ‘’révolution’’, est-il légitime de l’appeler ainsi, doit s’assumer pleinement en allant au fond des problèmes du Niger. La rupture avec la France est consommée et sans retour possible. Le peuple veille sur cet acquis qu’il a arraché au prix d’une mobilisation sans précédent. Le pays a désormais besoin d’innovation économique, c’est-à-dire de réformes économiques ambitieuses, profondes et sortant des sentiers battus depuis soixante ans qui du reste n’ont produit que misère et domination. Ces réformes doivent rompre avec le paradigme économique néolibéral qui écarte l’Etat de l’investissement productif au profit d’entreprises étrangères prédatrices et n’investissant que dans des secteurs sans priorité pour le pays. Un Etat qui s’assume pleinement est une puissance efficace de construction du développement. L’appellation pays pauvre n’a cours qu’en Afrique noire. Un pays jouissant de sa liberté ne peut pas être un pays pauvre, étant donné que l’Etat a tous les leviers en main pour créer de la richesse, promouvoir le développement et distribuer le bien-être. Mais dès lors qu’on met sciemment en veilleuse la puissance créatrice de l’Etat pour fantasmer sur un secteur privé à peine porté sur les fonts baptismaux et compter sur des investisseurs étrangers volatiles, on ne peut que pousser le pays à la catastrophe économique dans laquelle nous sommes.

 

La souveraineté est un droit qui s’use si on ne s’en sert pas…

 

La souveraineté est un droit qui s’use si on ne s’en sert pas. Le Niger attend sa seconde révolution, celle notamment qui doit produire du développement. Dans la première, le peuple a joué son rôle en soutenant le CNSP et le gouvernement. Le peuple demande à présent une ‘’refondation’’, autrement dit un vaste chantier de réformes qui peuvent s’entendre par la refondation de la république, le renforcement de l’Etat et sa réorientation vers le développement, la reconstruction de l’unité nationale.

Il reste à réformer la gouvernance économique et sociale pour transformer l’économie, notamment en créant de la richesse et en la redistribuant à toutes les catégories sociales à travers le plein emploi, le financement de l’agriculture et de l’industrie, les infrastructures, l’éducation, la santé et la promotion d’un accès inclusif aux financements pour permettre aux initiatives entrepreneuriales d’éclore.

Le peuple nigérien attend un programme percutant et soutenu de mise en œuvre d’actes traduisant concrètement la souveraineté retrouvée. Le peuple attend des mesures fortes sur le secteur des ressources naturelles, alors que très malheureusement le scandale de l’or intercepté à Addis Abeba est venu ruiner cet espoir. Le peuple demande une sortie sans délai du FCFA, alors que le débat national est encore animé par des personnes n’ayant rien comme informations officielles. Le peuple attend de récupérer ses biens spoliés alors que le principal voleur se la coule douce et serait même à la manœuvre dans certains récents évènements.

Permettez-moi donc de douter que le Niger soit encore sur une trajectoire de transformation économique. Suis-je simplement impatient ? Je l’espère ! En tout cas, je ne perçois rien en termes de changement de paradigme économique. Je pense que continuer à tenir le discours d’attraction des investisseurs étrangers c’est n’avoir tiré aucune leçon du drame à ciel ouvert que fut notre pays depuis des décennies. Les investisseurs étrangers ne développent pas un pays. Ils viennent y prendre ce qui les intéresse, quitte au pays de savoir tirer parti d’eux, notamment en leur exigeant de la technologie et un appui à la stratégie d’exportation, mais jamais en ne leur prenant que de l’argent. Je crains donc que notre jeunesse se réveille par une douche froide, car rien ne présage que le Niger soit dans une trajectoire de réformes pour enfin autoriser le développement.

Dans le discours officiel et dans les débats sur les plateaux des médias on n’entend que les recettes néolibérales qui ont ruiné et asservi le pays à l’étranger. L’élite se montre incapable de diagnostiquer le mal du pays et surtout de tirer les leçons de nos échecs économiques répétés. Sékou Touré disait que le plus grand danger pour les révolutions c’est la confusion. Or la confusion est totale sur la scène de gouvernance au Niger. Nous aurions voulu une seule sortie officielle pour parler de vision, d’ambitions, d’objectifs et de stratégies économiques afin de permettre de lire l’action du CNSP et du gouvernement. En vain !

Nous avons chassé l’armée française de chez nous. Mais ORANO pille notre uranium, le FCFA aspire notre sueur, le paradigme néolibéral nous maintient l’Etat hors du cercle de création de richesse. En vérité, je pense que les Français doivent rire sous cape en nous entendant parler de ‘’souveraineté’’, car leur système séculaire de domination et d’exploitation n’a pas perdu une seule plume. Nous faisons du surplace, nous brassons de l’air en faisant la preuve que nous sommes des Africains, les seuls peuples incapables de promouvoir du développement. Il ne s’agit pas de s’allier à tel ou tel pays, mais d’opérer d’abord le choix décisif de paradigme économique et aller vers des pays qui pourraient potentiellement aider à le réussir. La Russie, la Chine, l’Iran et la Turquie, qui sont fréquemment indexés comme potentiels partenaires, sont des pays dont l’économie est aux mains de grands groupes financiers, agricoles et industriels étatiques. On ne peut donc s’attendre à créer de l’efficacité dans la coopération avec ces pays si leurs acteurs n’ont pas de répondants nationaux en termes d’entreprises publiques nigériennes.

Il faut comprendre cette ‘’confusion’’ dans la conception même que le CNSP se fait de son passage à la tête du pays en se forçant volontairement dans le moule d’une ‘’transition’’ au mode de passage éclair assorti d’élections tropicalisées pour remettre le pouvoir à une personne déjà identifiée. Or pour cette fois, le peuple qui rejette le modèle démocratique de gouvernance et la domination néocoloniale, demande une gestion de promotion de la rupture, quelle que soit la durée qu’elle nécessiterait. Mais le CNSP semble céder aux pressions régionales et internationales ainsi qu’aux assauts des milieux politiques déjà pressés de revenir aux affaires. De par cette approche de la ‘’transition’’, le gouvernement lui-même ne semble pas s’être mis en devoir d’opérer des réformes qui pourraient, le cas échéant, demander une décennie d’efforts soutenus. Et il faut voir ces voyages pour diversifier les partenaires comme une simple exigence de réorientation géostratégique dans l’AES, doublée d’une demande de l’opinion nationale très favorable au bloc des BRICS.

Sommes-nous donc aux limites objectives de notre « révolution » ? Je crains que oui.

Al Wassatiyah :  Il y a eu une Conférence Nationale Souveraine au Niger qui était censée faire l’état des lieux pour un nouveau départ, mais aujourd’hui on a comme l’impression que ce rendez-vous fut une occasion ratée. Selon vous quels sont les ratés de la Conférence Nationale Souveraine ?

Ali Zada : L’Islam nous enseigne que « toute action vaut par l’intention qui la fonde ». La conférence nationale ne fut pas promue pour produire de la vertu. Elle ne pouvait donc pas en produire. On sait à présent qu’elle fut l’objet d’un deal entre la France et des milieux politiques, syndicaux et estudiantins, dans une entente pour la continuité de l’ordre néocolonial et l’accession au pouvoir de nouveaux acteurs qui, par le jeu des coalitions, ne pouvaient ériger des gouvernements forts et patriotes en face des diktats de la France. Mais la particularité du Niger est que ceux qui ont tiré les ficelles de la conférence nationale comprenaient depuis le Lycée National de Niamey la ‘’démocratie’’ non pas par la majorité des opinions, mais par la majorité ethnique. Dans ce deal chacun a pu tirer son épingle du jeu. La France n’a jamais été écornée au cours de l’évènement. L’ambassadeur de France fut à la manœuvre des préparatifs à la fin. L’ambassadeur d’Allemagne ne se gênait point de participer aux réunions syndicales à la Bourse du Travail et même de haranguer la foule contre le régime d’Ali Saibou. Les jeunes doivent tout savoir sur cet épisode appelé « Conférence Nationale Souveraine ».

Les ‘’nouveaux acteurs’’ porteurs d’une certaine doctrine de ‘’changement’’ ont certes pu accéder à leur fin. Mais la Conférence Nationale Souveraine a manqué au rendez-vous de l’histoire en faisant de ce qui eut pu être une occasion de réformes et de sursaut national, un tribunal de discorde et une instrumentalisation de l’ethnie pour opérer l’alternance politique. Elle fut surtout la première étape d’un long mécanisme, je dirais même d’un complot, d’affaiblissement de l’Etat pour parvenir à la situation que nous vivions depuis 2013 avec l’agression terroriste. Elle avait jeté le pouvoir dans la rue, elle avait humilié l’armée, vilipendé la chefferie traditionnelle, bafoué la religion et écarté tous les dignes fils qui pouvaient être d’un certain recours dans la relance du pays.

Pourquoi s’étonner qu’elle n’ait pu rien offrir au Niger ? L’histoire jugera peut-être un jour ce cirque national aux clowns parfois perfides et cruels.

Al Wassatiyah : Comment expliquez-vous le fait que les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs s’agissant de la conférence nationale ?

Ali Zada : La Conférence Nationale n’avait pas recherché de ‘’fruits’’ particuliers autres que les motivations qui l’ont promue et animée. Les slogans « Tchanji dolé » et « trois à zéro, ça suffit » ont planté le décor de cette foire puante de discorde ethnique et de règlements de comptes que les Nigériens ont déjà jetée aux poubelles de l’histoire.  Plus personne n’en parle et ses grands acteurs ont eux-mêmes honte de s’entendre parler dans les vidéos qui circulent sur l’évènement. Mais Allah ne fait rien pour rien.

 

La quête de la démocratie fut une ruse pour infantiliser le peuple au service de desseins personnels et de clans

 

Ceux qui s’imaginaient des supers héros sur le chantier de la reconstruction du Niger se sont révélés des dirigeants incompétents et des personnes assoiffées d’argent, d’honneurs et de pouvoir, ne reculant pas devant les intérêts suprêmes du pays en les bradant à quatre sous pour se maintenir à un pouvoir sans gloire. Le peuple les a vus à l’action et en a tiré leçon mémorable.

La quête de la démocratie fut une ruse pour infantiliser le peuple au service de desseins personnels et de clans. La Conférence Nationale n’a pas promu de démocrates. L’ère démocratique qui lui a suivi a connu une seule élection transparente, notamment celle qui a vu la CDS-RAHAMA de Mahamane Ousmane perdre sa majorité au parlement. Tout le reste ne fut que manipulations du fichier électoral, achats des consciences et bourrages d’urnes. Et quand le peuple vote en échange de quelques morceaux de savons et un billet de 2000 FCFA, on comprend sur quoi se fondent les élections au Niger.

 

Al Wassatiyah : Il y a eu également d’autres transitions militaires, d’autres occasions perdues pour nettoyer les écuries d’Augias et refonder l’Etat. Comment selon vous surmonter les écueils qui ont fait échouer les réformes antérieures ?

Ali Zada : La France fut l’instigatrice de tous les coups d’Etat au Niger. De par leurs motivations, ils ne devaient que remettre l’ordre néocolonial en selle après que quelques trublions de présidents l’eurent bousculé. C’est dire que les coups d’Etat n’avaient pas vocation à réformer, mais à repositionner la domination française. Aussi, le coup d’Etat du 26 juillet 2023 est le tout premier dans lequel la France n’a pas sa main. Il doit donc être une ultime occasion pour opérer des réformes politiques, économiques et sociales de manière à ne plus recourir aux coups d’Etat à l’avenir. Mais faut-il que le CNSP se réassume face au peuple. Les assisses prévues pour la refondation ne brillent pas particulièrement par la qualité des propositions. Les gens appellent encore à la « démocratie » alors que le peuple n’en veut plus. Le peuple veut du développement, sans la démocratie.

Une certaine opinion voudrait lier le développement à la démocratie. La démocratie, dans sa forme occidentale, s’entend par l’exercice du pouvoir par le peuple via ses représentants élus. Le développement pour sa part s’entend par la conjonction de capacités productives, techniques, technologiques et industrielles et de conditions de vie aptes à assurer à un pays et à son peuple l’émancipation et l’épanouissement.

Au regard de l’histoire des pays développés, les premiers à accéder à ces capacités et au bien-être général (l’Amérique, l’Angleterre, la France, l’Allemagne et le Japon, cinq pays dont quatre étaient gouvernés par des monarques entre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème), la démocratie n’a joué aucun rôle dans le développement, le concept lui-même n’existant que dans les manuels traitant de l’histoire de la Grèce antique. C’est le complot humaniste franc-maçon contre les monarchies et le christianisme qui a promu le système démocratique de gouvernance dans le but de ‘’jeter le pouvoir dans la rue’’ et ouvrir la société aux influences philosophiques et culturelles matérialistes. Le dynamique mouvement des idées et le renforcement de la classe moyenne bourgeoise l’a portée au firmament.

Aux Etats-Unis d’Amérique, le modèle économique néolibéral a favorisé le développement. Mais un pays peut se développer par l’économie néolibérale sans épouser son modèle de gouvernance politique. C’est le cas au Brésil, Chili, Argentine et Mexique, des pays ayant prospéré sous de féroces et sanguinaires dictatures. Dans ces pays, l’investissement capitaliste américain a favorisé le développement tout en encourageant la dictature pour contrer l’influence soviétique.

Il est ensuite important de savoir qu’en Europe, ce sont des régimes monarchiques et dictatoriaux forts qui ont créé les États-nations et les ont industrialisés pour créer des capacités nationales d’autonomie, de défense et de conquête du monde, dans un contexte où chacun prenait les autres pour ennemis.

Aujourd’hui, les nations qui prospèrent économiquement (Russie, Chine, Inde, Iran, Arabie, Qatar, Émirats, etc.) sont celles dirigées de main de fer par des modèles politiques propres. Il faut donc définitivement enlever de l’esprit de nos démocrates à la noix le lien imposteur qu’ils tirent entre ‘’démocratie’’ et ‘’développement’’ depuis la Conférence Ntionale. La démocratie n’a créé le développement nulle part. En occident elle l’y a trouvé et est actuellement en train de le détruire. En effet le système politique libéral est en train de tuer le développement économique et social qui l’a promu. En ces temps précis, l’occident global est en faillite économique et les Etat-nations sont sacrifiés sur l’autel de la mondialisation qui les fond dans un ensemble politique et économique unique plus propice à leur asservissement par le capital international. A l’heure où la France a propulsé un premier ministre homosexuel et son partenaire au gouvernement, y a-t-il encore quelqu’un au Niger pour soutenir que les peuples ont le pouvoir en Europe ?

D’un point de vue chronologique, la démocratie est un dividende et une récompense du développement économique et social aux populations à travers un bien-être partagé par tous les citoyens. Ce n’est point elle qui fait le développement, mais elle en résulte. En occident la démocratie est venue longtemps après la consolidation des nationalismes et la révolution industrielle qui a promu le développement économique et social. De ce fait, on ne peut formellement tracer de liens de cause à effet entre la démocratie et le développement en Europe.

Il faut dire en outre que la démocratie en son modèle occidental n’a absolument rien d’universel. C’est une prétention qu’il faut dénoncer. Les Chinois avec leur parti unique, sont une démocratie, fonctionnant scrupuleusement avec leurs valeurs. L’Iran est une démocratie dans laquelle le pouvoir religieux est au-dessus du pouvoir politique. C’est dire que le modèle occidental qui veut s’imposer par la manipulation des esprits et même par la force, est une expérience géographiquement et historiquement localisée, adaptée d’une culture judéo-chrétienne qu’elle a fini de détruire, car ne pouvant cohabiter avec des valeurs religieuses. Elle a affaibli et a fini par détruire la religion en occident, elle a détruit les rapports sociaux en famille et dans toute la société car le suffrage individuel doit résulter d’un esprit indépendant de la famille, du clan, de la tribu, de la religion et de toute influence sociale. Sa prétention à s’imposer à toute l’humanité et surtout à nos sociétés africaines n’est point défendable, tant du point de vue doctrinal que de ses desseins antihumains inavoués.

Il n’existe donc aucun lien historique et fonctionnel formel entre le système démocratique de gouvernance et le développement économique et social. C’est une escroquerie intellectuelle qui est en train de se promouvoir sous nos cieux par des milieux qui veulent faire du modèle démocratique occidental un facteur de développement et même un système de gouvernance prétendant à l’universalité.

D’un point de vue social, la démocratie dans sa forme occidentale n’a pas d’objectifs de transformation de la société car elle se satisfait simplement de libertés individuelles et collectives, de droits humains et d’élections périodiques et toujours truquées pour l’exercice du pouvoir. Elle n’a donc pas de visée de développement, car nulle part au monde l’échec du développement ne fut comptabilisé dans le bilan de la démocratie. Je répète, nulle part au monde, l’échec du développement ne fut comptabilisé dans le bilan de la démocratie. Pourquoi les promoteurs étrangers de la démocratie et leurs marketeurs Nigériens en mode perroquet ne tirent-ils jamais cette conclusion ?

 

La démocratie est un paradigme de gestion du pouvoir en Europe, pour préserver notamment des rapports de cohabitation entre des nationalités regroupées par les canons en nouveaux États afin de perpétuer la domination d’une classe d’oligarques sur une classe de pauvres, ces derniers n’ayant de voix que périodiquement, pour se prononcer sur des sujets sélectionnés pour être approuvés, ou choisir entre des dirigeants issus du même sérail.

Il faut ensuite souligner, – et c’est extrêmement important -, que le système néolibéral a une visée mondialiste consistant à vouloir uniformiser à l’échelle mondiale les pensées, les modes de vie, la culture, la gouvernance, l’économie, tout cela assorti de l’effacement de Dieu de la conscience humaine. C’est dire que la démocratie occidentale ne sait pas s’adapter aux réalités locales et nationales, mais elle a pour but de les supplanter et les effacer des mémoires collectives.

L’occident agresseur et pilleur des peuples, raciste, xénophobe et antimusulman peut-il générer un modèle vertueux de gouvernance ? La démocratie telle que conceptualisée et idéalisée après coup, n’existe nulle part au monde. L’occident a montré toutes ses limites dans le respect des droits humains et de la volonté de ses peuples. L’Amérique toujours raciste, violente, belliciste et aux inégalités sociales criardes ne séduit plus que les esprits faibles. Les pays scandinaves qui, pendant quelques décennies, ont été des expériences avancées dans l’implémentation du modèle libéral, se sont révélés des sociétés laboratoires de projets de déshumanisation où l’homme est redescendu en-dessous de l’animal, où les politiques de protection sociales longtemps vantées sont en train de s’éroder et où la neutralité géopolitique n’est plus que de l’histoire ancienne.

Il faut évoquer ce concept de ‘’bonne gouvernance’’ que le modèle occidental de démocratie veut frauduleusement mettre à son compte. La ‘’bonne gouvernance’’ renvoie à la qualité des politiques publiques, à la qualité du leadership et à la manière de choisir les dirigeants. La dictature peut engendrer de la vertu en matière de développement économique et social, tel au Qatar et aux Émirats Arabes Unis qui ont des politiques publiques de qualité ayant fait le progrès économique social, sous des monarchies. En indexant la mal gouvernance de nos pays, la propagande idéologique néolibérale invoque la corruption de nos administrations et de nos gouvernants. Mais les élites occidentales ne sont pas moins corrompues que celles d’ailleurs. La France par exemple est l’un des pays les plus corrompus au monde, pillée et vandalisée par les clans d’énarques, de polytechniciens, de juifs, d’homosexuels et de mafias ayant pignon sur rue.

En Afrique nous n’avons encore ni nations fortes, ni révolution industrielle qui distribuerait du bien-être. Nous mettons donc la charrue avant les bœufs en voulant calquer contre nos valeurs sociétales un modèle importé qui a eu son histoire et qui ne s’est pas fait en un jour. Au Niger nous avons donc préalablement besoin de reconstruire l’Etat et créer de la richesse pour redonner espoir aux populations meurtries par l’insécurité et six décennies de vaines politiques publiques. Nous avons besoin de consolider la nation en faisant en sorte que tous les citoyens aient confiance en leur pays par la sécurité retrouvée et de meilleures conditions de vie.

 

Les élections ne sont pas un besoin exprimé par les Nigériens ; elles ne sauraient de ce fait être une urgence gouvernementale

 

Mon mot au CNSP est donc que les élections ne sont pas un besoin exprimé par les Nigériens. Elles ne sauraient de ce fait être une urgence gouvernementale. Et si le système de partis politiques doit revenir sur la scène, le CNSP aura trahi les Nigériens. On peut gouverner un pays avec de l’alternance politique sans s’encombrer de partis politiques au demeurant dépourvus de programmes. Un programme de réformes économiques et sociales et des orientations d’ordre politique et géostratégique doit être rédigé et validé en référendum pour le donner en directive et en feuille de route à toutes les personnes candidates à la gouvernance. Un Conseil National de Sages veillera sur le document et pourrait destituer les gouvernants incapables de conduire le pays aux objectifs. Le choix du peuple se motivera sur la manière dont les objectifs visés par ce programme seront atteints par les uns et les autres. On peut dresser un tel programme en réunissant autour d’une table divers experts thématiques et sectoriels et leur demander un rapport sous trois mois. Le CNSP doit offrir au Niger un tel programme car les politiciens ont montré leur incapacité à penser le développement.

Al Wassatiyah : Le Niger est un pays à plus de 98% musulman. Les musulmans étaient justement mobilisés pour soutenir le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) à travers meetings et qounout (prières).  Quelles sont les attentes de la communauté musulmane pour un nouveau Niger ?

Ali Zada : L’entrée du peuple sur la scène politique depuis le 26 juillet 2023 fut singulière dans le sens où pour la première fois l’Islam en fut un stimulant idéologique. Depuis le 26 juillet, l’Islam, par la voix des leaders religieux et du peuple tout entier, a pris part au combat contre le néocolonialisme français et sa présence miliaire par des meetings marches et veillées, des prêches et des prières individuelles et collectives. Les oulémas ont opportunément déployé un pan inconnu du rôle que pourrait jouer l’Islam dans la mobilisation nationale au Niger.

Pour la première fois une idéologie a unifié les Nigériens et les a motivés à se dresser et chahuter les impérialistes. En outre, on a vu de fortes délégations de célèbres prêcheurs et leaders religieux du Nigeria défiler à Niamey pour porter des messages de solidarité au peuple nigérien, au nom de la fraternité islamique et du voisinage. Le combat du peuple nigérien en ces jours était porté, cimenté et véhiculé par l’Islam, idéologie dans laquelle l’écrasante majorité des Nigériens se reconnaissent. L’Islam aura prouvé qu’il est une doctrine de démarche collective, qui prône la lutte contre l’injustice et l’oppression, mais surtout qui peut mobiliser ses adeptes en vue d’objectifs patriotes. C’est un tournant historique.

Les oulémas à la tête de ce mouvement national ont œuvré pour la satisfaction d’Allah. Ils ne se sont pas positionnés pour des postes dans l’Etat. C’est aussi un des traits de l’Islam qui fait que son travail s’inscrit dans la sincérité et non dans les calculs de positionnement politique. L’Islam peut donc apporter à la gouvernance un fonds de valeurs dans lequel elle peut puiser de l’inspiration pour la sincérité, l’intégrité, le don de soi, l’amour de la patrie, la cohésion et la lutte contre l’injustice et les oppresseurs. S’il y a une seule doctrine anti-impérialiste, c’est bien l’Islam. Les peuples musulmans nourris aux valeurs de l’Islam sont en train de chasser les impérialistes du Moyen-Orient. Cela suffit pour étayer mon propos.

Un Etat sérieux ne peut mettre l’Islam hors de sa stratégie, eu égard à sa capacité de mobilisation, son potentiel moral et sa nature combative contre l’injustice et l’oppression. C’est la France, nation mécréante qui a ruiné sa religion, qui nous a enseigné à ignorer la religion dans notre gouvernance. Ce n’est pas autre chose. Et on sait que la France a sévi contre nos leaders religieux aux premières heures de la colonisation, en voyant en eux des obstacles à la promotion de sa culture sans Dieu. Il faut qu’un jour proche le Niger sorte des archives de la colonisation le massacre massif et gratuit de leaders religieux à Agadez, pour porter ce crime massif devant les tribunaux.

 

Au Niger, l’Islam a fini de montrer qu’il peut être autre chose que ce que le colon a enseigné sur lui

 

En tout cas au Niger l’Islam a fini de montrer qu’il peut être autre chose que ce que le colon a enseigné sur lui. Il appartient désormais au gouvernement de Lamine Zeine de se décomplexer pour tirer cette noble religion de la rubrique ‘’sécurité’’ au Ministère de l’Intérieur où elle est ancrée, comme il en fut toujours ainsi depuis le temps colonial, pour la loger dans un ministère propre afin d’en faire une source de culture nationale, d’idéologie, de valeurs de cimentation de l’unité nationale, de mobilisation et de développement.

Mais je crains que le CNSP n’ait laissé les milieux religieux entrer en scène que pour des fins tactiques de très court terme. Il faut en effet craindre que l’Islam soit largué dès les assises de la refondation, surtout quand on voit certains visages de l’ex-PNDS sillonner le pays pour se positionner dans les joutes de ces assises.  Ces ‘’socialistes’’ des tropiques ont déjà frappé l’Islam à la Conférence Nationale en l’écartant de la scène politique. Un des leurs et pas des moindres, se déclarait « Charlie ». Un philosophe, sophiste et mystificateur sorti de leurs rangs croyait mieux comprendre l’Islam que les oulémas parce qu’il est un arabe, ne manquant pas une seule occasion pour fustiger la natalité et la polygamie.

L’Islam, il faut le craindre pourrait être le principal perdant dans la redistribution des cartes qui est en train de s’opérer. La ‘’séparation de l’Etat et de la religion’’ qu’un Nigérien intrépide, téméraire, arrogant, injuste, traitre, lâche et peut-être mécréant a subtilement glissé dans l’acte consacrant la transition, annonce déjà que des forces tapies dans les rouages du pouvoir peuvent frapper par la fourberie.

Cet homme, foncièrement malhonnête, qui a positionné la transition en écartant l’Islam des affaires de l’Etat fut confondu par le peuple qui s’est outillé de l’Islam et de sa foi en Allah pour se mobiliser, implorer et résister. Devant Allah il répondra de son forfait commis dans le silence de son bureau, alors que le CNSP lui a fait confiance et que les faits ont démenti sa prétention à écarter Allah des affaires des Nigériens.

Mais, chers frères, c’est dans la nature de l’être humain d’appeler Allah quand il est dans le pétrin et de l’oublier aussitôt qu’Allah l’a mis en sécurité. Le saint Coran ne dit-il pas en maints endroits :

  • « Et quand le malheur touche l’homme, il fait appel à Nous, couché sur le côté, assis, ou debout. Puis quand Nous le délivrons de son malheur, il s’en va comme s’il ne Nous avait point imploré pour un mal qui l’a touché », sourate 10 : Younous, verset 12 ;
  • « Et quand un malheur touche l’homme, il appelle son Seigneur en se tournant vers Lui. Puis quand Il lui accorde de Sa part un bienfait, il oublie la raison pour laquelle il faisait appel, et il assigne à Allah des égaux, afin d’égarer (les gens) de Son chemin”, sourate 39 : Az-Zumar, verset 8 ;
  • « Quand un malheur touche l’homme, il Nous invoque. Quand ensuite Nous lui accordons une faveur de Notre part, il dit : “Je ne la dois qu’à [ma] science”, sourate 39 : AZ-ZUMAR verset 49 ;
  • « Quand Nous comblons de bienfaits l’homme, il s’esquive et s’éloigne. Et quand un malheur le touche, il se livre alors à une longue prière », sourate 41 : Fussilat, verset 51.

 

Si le CNSP trahit l’Islam et les musulmans en optant pour un Niger laïc sans préoccupation pour Allah, c’est dans la nature de l’être humain d’afficher de l’ingratitude après un secours du Seigneur. S’il le réhabilite, il entrera dans l’histoire et dans le cœur des Nigériens. Ces deux chemins s’offrent au Général Tiani et à ses coéquipiers du CNSP, chaque voie avec le verdict qu’Allah lui prononcera au jour des comptes.

Al Wassatiyah : Le vrai débat au Niger est le rapport Islam-laïcité. Le principe d’équité voudrait que pour gérer une population à écrasante majorité musulmane comme au Niger, de tenir compte de la réalité idéologique. Quelle est votre approche de cette question ?

Ali Zada : Gouverner les peuples africains en excluant leurs religions est un diktat de l’occident et non le fait de choix populaires, car nos peuples sont attachés à leurs croyances qui constituent pour eux le viatique de leur traversée de l’histoire. Les gouvernements ont le devoir de protéger ces croyances et même de s’en inspirer pour promouvoir un modèle plus conforme à nos réalités, ainsi que nous l’avons vu plus haut. Les élites imbues de leur déculturation qui veulent écarter l’Islam de la gérance des affaires au Niger n’ont pas pris toute la mesure de l’échec de leur prétention à gouverner sans Dieu. Mais pour plaquer ces esprits vains à leur position sans fondement, il faut leur enseigner que l’enjeu actuel du combat des peuples est de sauver l’humanité prise au piège de la déshumanisation. L’érosion des valeurs religieuses a provoqué la ruine morale et l’effondrement social en occident. Il n’y a plus en occident de distinction entre l’homme et l’animal autrement que par leurs aspects physiques. Et c’est l’abandon de la religion instigué par la laïcité de l’Etat qui est à la base de cette catastrophe humaine. La jeunesse du Niger doit comprendre que la culture laïque lui apportera tôt ou tard le mariage homosexuel, la destruction de la famille et de tout le corps social.

Nous sommes au Niger dans un mimétisme idéologique pitoyable et une servitude tout aussi déplorable. Si la France avait quelque peu suggéré de faire une place à la religion, notre élite l’eut déjà fait. Il n’y a qu’à voir l’engouement récent autour de la finance islamique pour comprendre que notre élite est incapable de savoir ce qui est bon tant que l’occident ne lui en donne pas la certitude. Depuis quatorze siècles que les principes de la finance islamique sont dans les textes de l’Islam, il a fallu récemment pour qu’on en découvre les vertus. Désormais on voit émerger de tous les côtés des experts opportunistes en finance islamique, partout et à tous les niveaux, parce que l’occident a promu cette forme de financement.

De la place que nous ferons à Allah dans nos affaires dépendra la dimension de Sa miséricorde sur nous. Les Nigériens attendent des assises de la refondation et peut-être avant, la reconnaissance de leur religion par l’Etat. C’est un droit pour eux que l’Etat qu’ils financent de leurs impôts reconnaisse leur religion. La reconnaissance de l’Islam en tant que religion d’Etat, comme en Mauritanie, en Algérie, en Egypte et dans tous les pays musulmans, signifie que la doctrine doit à l’Etat :

  • Sa protection contre toute influence négative, qu’elle soit d’une autre religion ou de morales non religieuses. A l’heure où le pays a reçu des injonctions pour enseigner l’éducation sexuelle aux enfants en bas âge, mesurons-nous la pertinence d’une telle disposition !
  • Sa promotion, notamment par son apprentissage à l’école publique ;
  • L’utilisation de ses valeurs morales et humaines comme fonds de doctrine à l’Etat (sincérité, dévouement, intégrité, amour de la patrie, fraternité, solidarité, etc.).

Il ne s’agit point d’ignorer les autres religions. C’est l’Islam qui a dit qu’il n’y « pas de contrainte en religion » et « à vous votre religion et à moi la mienne ». Les chrétiens et les juifs n’ont jamais été aussi libres que sous l’Islam de par l’histoire européenne, si l’on en juge par les comportements sanguinaires de l’Église catholique qui a sévi par l’Inquisition. Si l’Islam refusait aux autres religions leur culte il n’y aurait pas encore à ce jour de juifs au Maroc et en Tunisie, de chrétiens orthodoxes coptes en Égypte et en Syrie, de maronites et de druzes au Liban, de juifs en Irak et en Iran, de zoroastriens en Iran, etc.

Ceux qui font bonne conscience en invoquant le droit de 1% de la population pour marcher sur celui des 99% oublient leur âme de démocrate et font preuve d’une crasse ignorance de ce qu’est l’Islam dans la gestion de la diversité des opinions. Mais au Niger plus qu’ailleurs, l’ignorance et l’hypocrise de l’élite gouvernante de culture plus occidentale que les occidentaux et plus libérale que les libéraux, fait planer sur la question de l’Islam des réponses toutes faites qu’on sort comme des réflexes de leçons apprises dès qu’on parle de reconnaitre l’Islam. En termes clairs, ces gens qui veulent au mieux cantonner l’Islam à la sphère individuelle se sont érigés en gardiens bénévoles de l’ordre laïc français. Pour dire que la France est plus que jamais là avec son idéologie de déculturation. Chassons son armée et laissons son idéologie sans Dieu gouverner le pays et nous nous réveillerons un jour cernés de toutes parts par la même immoralité qu’elle vit aujourd’hui, avec des familles éclatées, des mariages homosexuels, des transgenres et tout le reste. A toutes fins utiles l’immoralité qui se déverse sur l’humanité par la porte occidentale interpelle le CNSP pour protéger la société déjà confrontée à la fragilité des foyers, l’oppression de la femme, la précarité de l’enfance, etc.

Al Wassatiyah : L’islam a aussi une vision sur la gestion économique, politique et sociale du pays. Comment justement tirer profit des solutions islamiques pour booster notre développement socioéconomique ?

Ali Zada : Si la démocratie ne se soucie que de la manière dont on accède au pouvoir (le pouvoir au peuple, par le peuple et pour le peuple), l’Islam est par contre soucieux de transformer l’homme et la société, en les purifiant, en promouvant la justice et en les libérant de l’oppression. Dans cette perspective, la gestion du pouvoir par un individu ou par un clan politique importe moins que le niveau moral général basé sur les injonctions du « Amr bil maarouf wa nahi anil munkar », autrement dit « la commanderie du bien et l’interdiction du mal », qui font de tous les citoyens des gouvernants engagés et actifs, chacun selon le niveau de sa responsabilité.

Al Wassatiyah : Quels sont vos conseils à l’endroit du CNSP pour la refondation du Niger ?

Ali Zada : Encore une fois, la souveraineté est un droit qui s’use quand on ne s’en sert pas. La refondation de la république et la transformation économique et sociale se feront avec des aptitudes à l’innovation et la réflexion profonde pour tirer du fond de nous-mêmes ce qui peut nous sauver. Le Niger est un pays béni par Allah qui a fait de nous des musulmans et qui nous a donné le plus grand potentiel de fer, car selon un document officiel, nous détiendrons sinon les plus grandes réserves de fer au monde, du moins les deuxième ou troisième. Or Allah a formellement fait du fer une source de puissance et de bien-être, ainsi qu’Il l’affirme dans le Coran : « Et Nous avons fait descendre le fer, dans lequel il y a une force redoutable, aussi bien que des utilités pour les gens…», sourate 57, le Fer, verset 25.

 

Le fer a fait la puissance des pays qui nous ont asservis et qui nous pillent. Aucune puissance économique et militaire n’a jamais émergé à la face des nations sans une puissante industrie du fer. Cette industrie se construit avec du minerai de fer, du charbon à coke et thermique, du calcaire et du manganèse. Peu de pays au monde possèdent en abondance comme le Niger l’ensemble de ces ressources naturelles en même temps. Certains importent tout pour s’offrir un secteur sidérurgique.

La principale base de l’industrie est le fer et le fer nous en avons plus que tous les autres peuples. Il faut puiser dans le Coran l’inspiration à notre développement. Nous sommes donc un pays qui peut se baser sur son énorme potentiel de fer pour créer de la richesse et émerger. La richesse et la puissance ne sont pas que dans le pétrole, le gaz, l’or, l’uranium, le lithium ou autres. Le pétrole, le gaz et le charbon sont surtout des sources d’énergie pour transformer des ressources. Ce sont donc des intrants. Ne laissons pas la demande du marché international nous dicter une conduite. Le marché mondial demande des produits pour ses chaînes de valeur, en fonction du niveau industriels des pays développés. Nous avons juste besoin d’implanter au préalable les industries lourdes que sont celles de l’acier, du ciment et des engrais. Le lithium, la cobalt et l’uranium ne sont pas des priorités pour nos pays. Si Diori Hamani (qu’Allah lui fasse miséricorde) avait eu la latitude de valoriser le fer de Say ou de Galmi au lieu de l’uranium, la face économique du Niger eut été autre depuis des décennies. Un pays sans industrie sidérurgique n’est pas encore attelé au développement. On se demande ce qui se passe dans les bureaux de ceux qui nous gouvernent. Que leur proposent ces conseillers nommés à chaque conseil de ministres ?

Le ciment est aussi important dans la transformation économique et sociale d’un pays. Pour construire massivement des infrastructures et permettre aux gens de s’offrir de l’habitat décent, il faut du ciment abondant et bon marché. Le Niger doit implanter au moins vingt cimenteries pour être au rendez-vous de la transformation économique et sociale. C’est en effet une denrée industrielle de proximité dont la distance entre l’usine de production et le centre de consommation ne doit pas excéder 150 kilomètres selon les normes européennes et américaines. C’est dire que du ciment produit à Malbaza n’est pas compétitif à Dogondoutchi. Que dire de celui produit à Lomé ? Il faut au Niger un ciment offert au peuple au maximum à 1500 FCFA le sac de 50 Kg. Nous avons le calcaire, le charbon et le gypse pour le réussir.

Enfin, pour transformer l’agriculture il faut de l’engrais. Nous avons assez de charbon pour produire des engrais azotés, sans compter le pétrole et le gaz torché pour rien à Agadem. Nous avons 48% des réserves de phosphate d’Afrique de l’ouest. Nous avons deux gisements d’alunite pour nous procurer de la potasse et produire des engrais de potassium. C’est dire que dans les faits nous sommes un pays potentiellement exportateur d’engrais.

J’ai l’habitude de dire que le Niger peut en quinze ans d’efforts ambitieux, intelligents et soutenus, être au cercle du Maroc, de l’Algérie, de l’Afrique du sud, du Nigeria et de l’Egypte en termes de développement. Notre pays en a plus que les moyens en ressources, mais ses élites sont frappées d’incapacité à réaliser les aspirations du peuple au bien-être. Et manifestement la jeunesse qui met tant d’espoir de voir changer sa condition, risque d’être déçue au vu du réchauffé servi en matière de politiques économiques et sociales.

Il faut donc que le CNSP pose des actes qui nous montreront que nous sommes libres, comme :

 

  • Adopter une monnaie nationale, car la monnaie est la première source de création de richesse. Je dis bien « monnaie nationale », parce que comme pour me mêler du débat national et panafricain, la monnaie ne peut efficacement pas se partager à trois ou quinze pays. Deux ensembles monétaires déjà en ruine ont adopté une monnaie commune, à savoir l’union européenne et les systèmes du FCFA en Afrique. Nous sommes déjà dans une union monétaire depuis plus de six décennies. Elle n’a pas produit du développement parce que simplement nos réserves de change sont logées ou parce que les billets sont imprimés ailleurs. Non, le véritable problème c’est la planche à billets dont nous n’avons pas les commandes pour financer nos économies en fonction de nos besoins nationaux. Or les besoins nationaux en la matière, sont singuliers. Ceux de tel pays ne sont pas ceux de tel autre et les mesures de lutte contre l’inflation ne se dictent pas dans la cacophonie de plusieurs pays. Un débat national doit être promu sur ce sujet. Si une union monétaire est pertinente, le Canada eut embrassé le dollar américain alors qu’il n’y a aucune frontière économique entre les deux pays et que les travailleurs des deux pays vont et viennent quotidiennement d’un sens comme dans l’autre. Si une monnaie commune est pertinente, le Lesotho avec ses 2,3 millions d’habitants et le Eswatini (ex-Swaziland) avec ses 1,1 millions d’habitants, eurent fait monnaie commune avec la puissante Afrique du sud, alors qu’ils y sont tous les deux enclavés, sans aucune façade maritime. L’AES promet beaucoup en termes de coopération. Mais elle irait à une catastrophe qui la disloquerait en battant monnaie commune. Il faut dire à ceux qui arguent du « vaste marché » que ce n’est pas la taille du marché qui fait l’efficacité de la monnaie. Le Lesotho et l’Eswatini l’ont montré. Le Nigeria et la RDC sont très peuplés mais ont des problèmes avec leur monnaie nationale. La Gambie est un petit pays enclavé dans le Sénégal, mais les Sénégalais y font leurs emplettes, pace que ce petit pays gère bien sa monnaie. La monnaie nationale peut surtout aider à promouvoir une monnaie vertueuse non adossée au taux usuraire pour promouvoir le crédit pour tous. Nous serions indignes de nos diplômes si nous devrons lancer une monnaie qui répandra l’abomination du taux usuraire sur notre peuple de croyants ;
  • Nationaliser le secteur minier. Le paradigme néolibéral qui nous fait croiser les bras pour attendre des « investisseurs étrangers » doit être abandonné. L’Etat doit créer de grandes entreprises publiques pour créer des chaines de valeurs autour du fer, du charbon, du calcaire, du manganèse, du phosphate et de l’alunite. Nous sommes potentiellement une puissance industrielle et agricole. Nous avons en abondance toutes les ressources naturelles pour produire et exporter de l’énergie, de l’acier, du ciment, des engrais et des denrées agricoles. Ne pas faire cela serait montrer de l’ingratitude vis-à-vis d’Allah qui a concentré ces richesses dans nos mains comme il ne l’a fait nulle part. L’élite nigérienne a trahi l’Islam, Allah et les croyants en se montrant incapable de sortir le pays de la pauvreté et en l’abonnant à mendier de l’aide. Et ces hordes de mendiants que nous exportons chez nos voisins constituent une honte nationale qui doit empêcher de sommeil le Général Tiani et Lamine Zeine. Allah a créé les Nigériens riches. L’élite gouvernante en a fait les plus misérables du monde. C’est inacceptable dans le cadre du nouveau Niger que nous appelons de nos vœux ;
  • Il faut créer des grands groupes publics agricoles, miniers, industriels et de services. Le secteur privé lui-même ne se développera pas sans un secteur public fort qui lui donnera de la valeur à sous-traiter ;
  • Aller allègrement au renforcement de l’AES, avec cependant deux réserves que sont la monnaie et l’Islam. Nous ne pouvons pas continuer à être un pays laïc pour plaire au Mali et le Burkina Faso. Mais tout le reste peut se mutualiser et s’harmoniser.

Qu’Allah pardonne nos péchés ; qu’Il guide et bénisse notre progéniture ; qu’Il nous renforce dans la droiture, la rectitude morale et l’accomplissement de bonnes œuvres ; qu’il nous inspire et nous soutienne dans le dévouement à l’Islam et à notre peuple ; qu’Il nous aide dans ce qu’Il aime et nous ferme les voies de la perdition et du déshonneur ; qu’Il accorde la paix à tous les musulmans soumis aux épreuves du Dajjal.

 

Interview réalisée par Abou Soumaya

 

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