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Le statut de la femme de l’antiquité à nos jours

Par Cheikh Ali Ben Salah

Les louanges sont à Allah qui a créé l’homme; de l’homme, a tiré son épouse ; des deux, a formé le couple ; du couple, par le mariage, a perpétué l’humanité. Louanges à Allah en toutes circonstances ! Parler de la femme de l’antiquité à nos jours reviendrait certainement à brosser un tableau très peu reluisant de cette composante essentielle de l’humanité depuis les plus anciennes civilisations jusqu’à la dernière révélation faite à l’Universel, qui est venue mettre un frein à la précarité de la situation de celle-ci dans l’histoire.

Nous vous proposons dans l’exposé qui va suivre de lever le voile sur la condition des femmes mésopotamienne, grecque, romaine, hébraïque et arabe de l’antiquité à côté de celle de leur sœur africaine à l’ère des pharaons, en ouvrant enfin une fenêtre sur ce qu’aurait dû être la femme musulmane aujourd’hui à l’ombre du Coran et de la
Sunna.

La femme mésopotamienne et ses enfants sont propriétés du chef de la famille comme le stipule les lois babyloniennes, réunies pour la première fois en 1750 avant J.C dans le Code d’Hammourabi. L’historien grec Hérodote a écrit à propos d’une loi de Babylone : « la plus honteuse des lois de Babylone est celle qui oblige toutes les femmes du pays à se rendre une fois dans leur vie au temple d’Aphrodite pour s’y livrer à un inconnu… Celles qui sont belles et bien faites sont vite de retour chez elles, les laides attendent longtemps sans pouvoir satisfaire à la
loi ; certaines restent dans le temple pendant 3 à 4 ans ».

Pour les hébreux, c’est la femme qui commet le 1er péché de l’histoire de l’humanité (Genèse : 3 : 6). A Sodome, c’est encore la femme qui désobéit, en l’occurrence la femme de Loût (Genèse : 19 : 26). Dans la montagne, ce sont encore des femmes, les deux filles de Loût qui font boire du vin à leur père pour coucher avec lui (Genèse : 19 : 30 à 38). Quand la femme accouche d’une fille, elle reste deux fois plus longtemps impure que pour l’accouchement d’un garçon (le Lévitique 12). La valeur d’un individu ici est fonction de son sexe et de son âge (le Lévitique 27). Un homme entre 20 et 60 ans vaut 50 sicles d’argent alors qu’une femme n’en vaut que 30. (Sicle = unité de poids, puis monnaie allant de 6 à 12 g, en usage dans l’Orient ancien (Le Petit Larousse).

Chez les arabes, à l’époque préislamique, la femme bédouine était considérée comme un être faible irresponsable. Sans statut, elle était rangée sur le même rayon que les chameaux. La naissance d’une fille n’était guère souhaitée et la coutume était souvent de les enterrer vivantes à la naissance. La volonté de la femme n’était pas prise en considération dans le choix de son mari. Ce sont les hommes qui décidaient pour elle tout comme le mariage peut se faire par échange. La femme était un bien constituant une partie du patrimoine. Les épouses et les filles d’un défunt
faisaient partie des biens à partager. La période de viduité durait une année entière pendant laquelle la femme restait les yeux fermés et à l’expiration du délai, pour réaccéder à la société, elle était conduite en dehors de la Cité où elle frappait un animal avec un crottin de chameau : l’animal mourrait sur le champ ou l’arbre séchait, preuve qu’elle peut enfin reprendre sa place dans la société. Coutume moins barbare que celle des Thraces où selon Hérodote ‘’à la
mort d’un homme, une violente contestation s’engage entre ses femmes, sous le contrôle attentif de ses amis pour décider de son épouse préférée. La femme qui sort victorieuse de cette compétition reçoit tous les éloges des hommes et des femmes, puis son plus proche parent l’égorge sur la tombe de son mari, et on l’ensevelit à ses côtés. Les autres épouses du mort sont vivement affligées de survivre : c’est pour elles le plus grand des opprobres’’. (Livre V, chapitre 5).

Dans la Grèce Antique, la femme n’a pas d’identité personnelle. Elle ne peut exister par elle-même, elle est ‘’fille de’’ ou ‘’épouse de’’. Le mari a droit de vie et de mort sur l’épouse et les enfants. Platon (429-347 avant J.C) soutient que les hommes qui, dans leur 1ère vie « étaient lâches ou qui passaient leur vie dans l’injustice… furent changés en femmes à la seconde naissance ». Etre une femme, pour Platon, est ainsi une punition du sort. Il affirme d’ailleurs qu’en toutes choses, les femmes sont « moins bonnes que les hommes ». Aristote (384-322 avant J.C) situe la femme aux limites de la Cité et de la sauvagerie, de l’humain et de la brute. Aristote rapproche le destin de la femme à celui de l’esclave. Les deux sont « des êtres faits naturellement pour obéir ». Il n’y a même pas de mot pour désigner la citoyenne ou l’Athénienne dans la cité. Présentée comme une défectuosité, la naissance d’une fille constitue selon Aristote, le 1er écart de l’humanité parfaite, la 1ère manifestation de monstruosité.

La femme romaine est une mineure perpétuelle. L’homme a droit de vie et de mort sur sa femme. Elle n’a aucun droit politique et est écartée de toutes les fonctions civiques ou publiques. Elle seule a obligation de fidélité conjugale et sa charge la plus importante consiste à recevoir le sperme et à protéger le produit de la conception. Selon Pierre (Professeur d’histoire grecque à l’Université Rennes-II) : « les romains ne donnent même pas de nom à la femme qui n’est normalement désignée que par le nom de la famille de son père mis au féminin ». On impute aux romains cette phrase qui en dit long sur le mépris qu’ils éprouvent à l’égard des femmes : « Si nous pouvions vivre sans femmes, nous nous passerions volontiers de ce fardeau ».

En Afrique, berceau de l’humanité, la femme africaine de l’époque pharaonique a-t-elle eudroit à plus d’égards que ses soeurs dans l’antiquité ? En Egypte, les femmes étaient les égales des hommes devant la loi. Des femmes ont eu droit à leur propre pyramide. Les Egyptiens tiraient une fierté certaine de leur ascendance maternelle à l’instar des autres africains noirs de l’Antiquité. Les femmes pouvaient être entendues librement au cours d’un procès en tant que plaignantes, accusées ou témoins. Elles peuvent se lancer dans les affaires et la société permettait aux filles de recevoir un enseignement. Même les postes importants n’étaient pas exclusivement réservés qu’aux hommes, la dame Nébèt a été élevée au rang de Vizir à l’Ancien Empire, échelon le plus élevé de la hiérarchie sociale,
juste après le Pharaon. Mieux, dès le IIIème millénaire, des femmes pharaons vont régner sur l’Egypte. Nous pouvons retenir les noms de Mérit-Neïth dès la 1ère dynastie, de Nitocris de la VIème dynastie, de Hatshepsout de la XVIIIème dynastie, de Néfertiti, épouse d’Akhenaton qui a, selon toute vraisemblance régnée avec son mari… La religion égyptienne va plus loin, et ce n’est plus une femme, la fille bien-aimée de Rê, Maât a le lourd privilège de garantir l’ordre de l’Univers tout en préservant la vérité et la justice.

Chez les autres femmes d’Afrique, les femmes Troglodytes étaient respectées. Elles jouissaient d’une certaine autorité morale qui leur permettait d’intervenir et de séparer les combattants lors des bagarres entre hommes au sujet des pâtures. Chez les Amazones, le rôle militaire incombe aux femmes. Elles conservent fidèlement leur
virginité tout le temps qu’elles resteront « sous le drapeau ». Les hommes restent à la maison, s’occupent des nouveau-nés et exécutent docilement les tâches domestiques. Ils ne participent ni à la guerre, ni au pouvoir et n’ont aucun droit de regard sur les affaires publiques.

Faisant elle-même partie du patrimoine à partager à la mort de son mari, à un moment de l’histoire,
l’Islam va incontestablement accorder à la femme les droits de succession, les droits d’héritage et d’autres droits jusque là ignorés. Elle aura droit à la propriété « Aux hommes, revient une part de ce qu’ils auront gagné, et aux femmes une part de ce qu’elles auront gagné ». (Chapitre 4 : verset 32). Le Coran reconnaît ainsi à la femme le privilège de détenir des propriétés, y compris les terres alors qu’en droit coutumier, elles n’ont accès, ni à la terre, ni
aux autres moyens de production. Elle aura le droit de voter et droit à la parole dès les premières années de la dernière révélation.

Le Messager d’Allah (SAW) ne se contentait pas seulement de la prestation de serment des hommes
mais aussi de celles des femmes. Le Conseil avisé de Umm Salama, mère des croyants, permettra au Messager d’Allah (SAW) de retrouver l’unité et la cohésion de ses compagnons après les tensions causées par le traité de
paix de Houdaybiyya. Le 1er recueil des fragments du Coran compilé en l’an II de l’hégire sous le Califat d’Abû Bakr (RA) sera confié à Hafsa, fille de Umar (RA), mère des croyants, après la mort de son père. Il est à préciser qu’il
s’agissait à l’époque du seul exemplaire complet du Coran disponible sur la surface de la terre. Il serait bon de noter qu’en France, la femme n’a obtenu le droit de vote qu’en 1945, et le droit d’ouvrir un compte sans le consentement de son mari que depuis 1965.

Le fait que la femme, en Islam, reçoive dans certains cas la moitié de ce que reçoit l’homme en héritage, et son témoignage en justice vaille la moitié de celui de l’homme n’empêchera jamais à la femme d’être fondamentalement l’égale de l’homme car l’Islam ne fonde de différence entre l’homme et la femme qu’à partir des exigences de la nature basée sur le sexe et la psychologie. Un sage a dit : ‘’Si vous voulez mesurer la valeur d’une civilisation, regardez d’abord comment elle a traité les femmes, les pauvres et les faibles’’. Et retenez, pour terminer, qu’Allah a cité en parabole aux croyants l’exemple d’une femme, celle de Fir-awn, Äsiya bent Mouzâhim.

Et notre dernière invocation sera de rendre les louanges au Seigneur de l’Univers. En parlant du Soudan Méroïtique, le savant sénégalais Cheikh Anta Diop a dit dans son livre Nations Nègres et Culture : « On peut remarquer l’absence de reine dans l’histoire grecque, romaine,… perse ; (…) les reines étaient fréquentes en Afrique noire et lorsque le monde indo-européen acquit assez de force militaire pour se lancer à la conquête des vieux pays qui l’avait civilisé, il se heurta à la résistance farouche, irréductible, d’une reine dont la volonté de lutte symbolisait l’orgueil national d’un peuple qui, jusque-là avait fait marcher les autres sous ses lois. Il s’agit de la reine Candace du Soudan Méroïtique qui impressionna toute l’antiquité par la résistance qu’elle opposa à la tête de ses troupes aux armées romaines de César Auguste. La perte d’un oeil au combat ne fit que redoubler son courage ; le mépris dont elle témoignait pour la mort, son intrépidité forcèrent l’admiration, même celle d’un chauvin comme Strabon : ‘’Cette reine eut un courage au dessus de son sexe’’ ». Dans la nuit du 10 août 610 de l’ère grégorienne, un lundi 21 du mois béni de Ramadan, une lumière va illuminer l’Univers. Cette lumière va modifier le cours de l’histoire et changer la face du monde. Et cette nuit, Allah (SWT) va s’adresser pour la première fois à l’humanité par le biais du meilleur des Messagers, à travers le meilleur message, pour la meilleure des communautés. Le Coran viendra alors secouer le poids de traditions séculaires pour enfin accorder à la femme la place qui est la sienne dans son foyer, dans sa cité, dans son pays, dans le monde. Le Coran va consacrer un chapitre entier aux femmes (chapitre 4) et un autre à une femme, la
seule à avoir nommément été cité dans le Coran : Maryam (chapitre 19). Il répondra directement aux préoccupations
d’une femme dans la sourate de la discussion (chapitre 58) L’Islam viendra ainsi sonner le glas des habitudes culturelles ancestrales qui confondent parfois la femme avec les meubles de la maison en annonçant solennellement que « Les meilleurs d’entre vous, auprès d’Allah, sont les plus pieux ». La femme sera l’égale en droit par rapport aux
obligations religieuses et à leur bénéficie « En vérité, Je ne laisse pas perdre le bien que quiconque parmi vous a fait, homme ou femme…» (chapitre 3 : verset 195).

Cheikh Ali Ben Salah, Directeur CEG 5 et
Imam de la mosquée Cité chinoise

AS-Salam 106 Mai 2008

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