Connect with us

Actus

La finance islamique, une finance éthique

« Le terme finance islamique recouvre l’ensemble des transactions et produits financiers conformes aux principes de la loi coranique, qui supposent l’interdiction de l’intérêt, de l’incertitude, de la spéculation, l’interdiction d’investir dans des secteurs considérés comme illicites (alcool, tabac, paris sur les jeux, etc.), ainsi que le respect du principe de partage des pertes et des profits. » La Finance Islamique est donc une norme financière, à ne pas entendre comme une dimension purement religieuse, identitaire.

Au Niger, l’Association Nigérienne de Promotion de la Finance Islamique (ANEFI) est la structure ayant pour but de promouvoir cette norme. C’est une ONG créée le 11 août 2012 et reconnue par le Ministère de l’Intérieur le 6 janvier 2016 (Arrêté n° MISPD/ACR/DGAPJ/DLP).

En termes d’offre de services financiers islamiques nous avons d’une part les établissements de crédit comme la Banque Islamique du Niger (BIN), créée en 1983 et exerçant la finance islamique à titre exclusif ; Coris Bank International qui exerce partiellement la finance islamique à travers sa branche « Coris International Baraka Niger » lancée en 2021. D’autre part, il a les Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) : Tadaamoun Finance SA, Al Izza Finance islamique (AFI), Al Amana Financial Islamic SA, AL IIMAN FINANCE SA.

En ce qui concerne l’offre de formation, il s’agit des formations continues et qualifiantes offertes sur le territoire nigérien par l’Université Islamique au Niger (UIN) qui a lancé un Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées (DESS) en finance islamique en 2019 ; certaines universités (ADU, UIT de Tahoua, etc.) et écoles de commerce (ETEC, HECF, ESPIM, …), et des cabinets de formation et de conseils locaux et internationaux délivrant des certificats en finance islamique.

Les défis et contraintes liés à la finance islamique au Niger sont de plusieurs ordres parmi lesquels on peut citer :

  •  Les défis d’ordre structurel : Il s’agit d’avoir une économie dynamique dans laquelle les besoins en capitaux sont exprimés et que ces derniers soient utilisés de manière efficace. Par ailleurs, structure de la concurrence actuelle dominée par les institutions financières classiques n’est pas de nature à permettre un développement rapide de la finance islamique.
  • Les défis d’ordre juridique et fiscal : Il s’agit des insuffisances du cadre réglementaire et fiscal qui régit l’activité de finance islamique. En effet, depuis la publication des instructions de la BCEAO en 2018 pour les banques et les SFD d’une part et du règlement n°003/CIMA/PCMA/PCE/2019 du 10 octobre 2019 de la CIMA pour les compagnies d’assurance, il n’y a pas eu d’autres dispositions règlementaires concernant cette activité. A part cela, il n’existe pas de dispositions fiscales spécifiques pour éviter les risques fiscaux liés à certaines opérations de finance islamiques.
  • Les défis d’ordre social : Nous pouvons citer à ce niveau une certaine perception populaire créant une aversion pour le système bancaire de façon générale du fait des multiples crises systémiques et/ou institutionnelles vécues au Niger. A l’inverse, d’autres acteurs considèrent la finance islamique comme une œuvre de bienfaisance en limitant les opérations au prêt sans intérêt (qard hassan) ou au don (zakat, sadaqat etc.).
    Nous estimons que le comportement de l’ensemble acteurs (clients, financiers, régulateurs etc.) doit refléter l’éthique islamique privilégiant certaines valeurs comme l’intégrité, la transparence, l’équité, le respect des engagements etc. d’où la nécessité d’une compagne de sensibilisation à grande échelle.
  • Les défis d’ordre technique : Il s’agit surtout de s’entourer des compétences techniques appropriées pour exercer l’activité de finance islamique au Niger. A cet effet, la formation et le renforcement des capacités des acteurs clé doivent être une priorité. Il est aussi nécessaire de développer le numérique dans tous les aspects de l’industrie financière islamique.

 

La Finance Islamique au Niger relèvera tous ces défis et connaitra ses lettres de noblesse avec les approches que nous proposons ci-après.

  • Sur le plan structurel : Prendre des mesures incitatives pour rendre l’économie nationale plus dynamique afin que le Niger puisse bénéficier davantage de capitaux islamiques étrangers et que ces ressources puissent être utilisées de manière efficace ; Promouvoir la création d’institutions financières islamiques à travers l’assouplissement des conditions d’obtention des agréments pour garantir une certaine équité entre les différentes formes d’institutions financières.
  • Sur le plan juridique et fiscal : Contribuer à améliorer le cadre réglementaire qui régit l’activité de finance islamique à travers la publication des autres textes qui complètent ce cadre ; Prévoir des dispositions fiscales particulières pour garantir la neutralité fiscale entre les différents formes d’institutions financières d’une part et minimiser les risques fiscaux liés au traitement de certaines opérations de finance islamiques comme la Mourabaha qui peut être assimilée à tort à une opération d’achat vente du point de vue fiscal et donc soumise à la TVA au lieu de la considérer comme une opération de financement soumise à la TAFI.
  • Sur le plan social : Sensibiliser l’ensemble des acteurs de la finance islamique pour faire connaitre davantage les règles, principes et son fonctionnement en générale et garantir le respect des valeurs éthiques musulmanes en particulier. En effet, l’intégrité, la transparence, l’équité, le respect des engagements et bien d’autres vertus constituent une condition de réussite de la finance islamique au Niger.
  • Sur le plan technique : Multiplier les actions de formation et de renforcement des capacités des acteurs pour développer l’industrie financière islamique au Niger ; Favoriser l’utilisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) pour faciliter l’accès aux produits et services financiers islamiques d’une part et améliorer l’efficacité opérationnelle d’autre part.

Quelques produits de la Finance Islamique

Le groupe Tamweel Africa Holding donne les définitions suivantes :

  •  Ijara : C’est un contrat par lequel la Banque achète un équipement ou un immeuble au comptant puis le loue en Ijara à son Client pour une période déterminée. La Banque Islamique ne commence à percevoir les loyers qu’une fois l’équipement mis à la disposition du client.
  • Istisna : Contrat par lequel la Banque accepte de fabriquer ou construire un bien pour le Client qui s’engage à le payer sur des échéances convenues d’avance.
  • Mudaraba (partenariat d’investissement) : Technique de financement utilisée par les Banques Islamiques dans laquelle le capital est intégralement fourni par la Banque tandis que l’autre partie assure la gestion du projet. Le profit est distribué entre les deux parties selon un ratio qu’il convient de déterminer au moment de la signature du contrat. La perte financière incombe au propriétaire du capital ; la perte du manager étant le coût d’opportunité de sa propre force de travail qui a échoué en ne générant pas un surplus de revenu.
  • Murabaha : Forme de financement qui permet au client d’effectuer un achat sans avoir à contracter un emprunt portant intérêt. La Banque achète un bien puis le vend au client au prix coûtant augmenté d’une marge bénéficiaire fixée d’accord partie.
  • Musharaka (partenariat d’investissement) : La Banque et le client participent ensemble au financement d’une opération et assument conjointement le risque au prorata de leur participation. Les profits ou les pertes sont répartis entre le client et la Banque sur des bases fixées à l’avance d’accord des parties.
  • Qard Hasan (prêt sans intérêt ni profit) : Il s’apparente plus à une aide qu’à un crédit commercial. Cette technique et rarement utilisée par des établissements commerciaux. En revanche elle peut être utilisée dans des situations spécifiques (en cas de difficultés d’un individu ou une entreprise, ou lorsqu’on souhaite favoriser le développement de secteurs naissants).
  • Salam : Contrat prévoyant le prépaiement de marchandises livrées ultérieurement. Aucune vente n’est possible si les marchandises n’existent pas au moment du contrat mais ce type de vente, qui fait figure d’exception, est autorisé à condition que les marchandises soient définies et la date de livraison fixée. Ce type de vente porte généralement sur des biens physiques, à l’exclusion de l’or et de l’argent, qui sont considérés comme des valeurs monétaires.
  • Takaful (assurance islamique) : Prend la forme d’une assurance coopérative avec mise en commun des fonds, selon le principe de l’assistance mutuelle. Dans le système Takaful, les membres sont à la fois assureurs et assurés. L’assurance traditionnelle est interdite dans l’Islam car elle contient plusieurs éléments Haram (illicite) tels que le Gharar (incertitude) et la Riba (intérêt).

 

(Par Ahmed Sidi I. Mazou, Consultant F.I.)

Continue Reading
Advertisement

Categories