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Analyses

Opération mains propres: La COLDEFF pourra-t-elle faire bouger les lignes ?

Enfin, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) a rendu public la liste des membres de la Commission de Lutte contre la Délinquance Economique, Financière et Fiscale (COLDEFF), instituée par l’ordonnance n°2023‐09 du Président du CNSP. Cette liste était longtemps attendue par l’opinion, curieuse de savoir l’identité des personnes à qui incombe la lourde tâche de conduire l’opération « mains propres » tant annoncée. Les membres ont prêté serment sur le livre saint de leurs confessions. Les citoyens se demandent si cette commission pourra résolument inverser la tendance à la prévarication et la soif du gain facile des agents de l’Etat et personnes dépositaires des pouvoirs publics ?

Il y a eu tour à tour, la Commission Crimes Economiques et Abus Politiques de la Conférence Nationale, la Commission Nationale de Lutte contre la Délinquance Économique sous Salou Djibo, la Haute Autorité à la lutte Contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA) sous le régime déchu et aujourd’hui la COLDEFF censée mettre l’Etat dans ses droits et créer ainsi les conditions de la bonne gouvernance au Niger. Il y a lieu de noter également les inspections d’Etat, les pôles économiques et financiers au niveau de la justice pour nettoyer les écuries d’Augias, mais le mal demeure entier dans notre pays.

Déjà à la nomination des membres de la COLDEFF, tout semble indiquer que les noms des nouveaux commissaires n’ont pas passé par le filtre de l’enquête de moralité. Celle-ci aurait permis d’assainir la liste et ne pas permettre à des gens qui ont été ou sont encore en conflit avec la loi ou en instance (si les inspections sont conduites avec efficacité et loyauté) pour raisons de détournement de deniers publics ou de faux et usage de faux. Des individus indignes d’occuper des fonctions publiques, de surcroit des fonctions de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale.

Au regard de cette situation, les questions se posent d’elles-mêmes : comment des délinquants économiques et financiers peuvent-ils lutter contre la corruption et les détournements des deniers publics ? Peut-on être dans une telle Commission lorsqu’on a un casier judiciaire terni ou lorsqu’on a un dossier non encore vidé par la justice ?

Visiblement, il n’y a pas eu de rigueur dans le choix de ces hommes et femmes censés animer cette Commission qui s’illustre par sa pléthore et la complaisance dans certains choix.

De bonnes sources, on apprend que dans le choix de certains membres, l’on a poussé la complaisance jusqu’à cacher la fonction de certaines personnes bien connues comme des anti modèles dans leurs corporations.

Quand on voudrait prêcher la vertu par l’exemple, avouons que se tromper dans le choix de plusieurs membres dénote d’une grande légèreté qui est de nature à entacher à jamais la crédibilité de la COLDEFF.

Certains doutent déjà de la compétence des uns et de la moralité des autres même si après moult dénonciations trois membres ont été remplacés. Et il est de notoriété publique que la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA) avait abattu un travail reconnu par tous. Si l’Etat est une continuité et qu’on devrait mettre en avant le bon sens et la consolidation des bonnes pratiques, nul doute que la HALCIA aurait été maintenue et renforcée pour cette mission on ne peut plus noble.

Mais comment faire bouger les lignes avec des novices dans un domaine qui commande technicité, éthique et savoir-faire ? Le Niger aurait gagné largement par une consolidation ou un toilettage de la HALCIA et le pôle économique et financier, en désignant aussi dans plusieurs domaines des experts qui ont fait leur preuve dans la promotion de la bonne gouvernance. Comment rectifier le tir et rassurer les Nigériens que la COLDEFF ne sera pas une Commission de plus ? La question reste posée.

La transition militaire, moment propice pour assainir

La transition militaire est, à notre humble avis, le moment idoine pour nettoyer les incuries et envisager un nouveau départ. Quand on s’intéresse véritablement à lutter contre cette gangrène qu’est la corruption on se rend à l’évidence que la corruption n’a pas de couleur politique encore moins de terre d’élection. Il y a qu’hier comme aujourd’hui elle sévit dans le pays : les individus s’enrichissent en appauvrissant l’Etat et, par ricochet, aggravent les conditions de vie déjà très misérables et insupportables de notre peuple. L’on comprend l’approche très mesurée et laxiste des différentes autorités sur le terrain de la lutte contre la corruption. Celle-ci est à prendre avec des pincettes au vu des imbrications du personnel politique de tout bord. Et c’est en cela que l’analyse de M. Maman Wada, Secrétaire Général de l’Association Nigérienne de Lutte contre la Corruption (ANLC) est pertinente lorsqu’il dit que dans sa dimension politique la lutte contre la corruption a des limites en ce sens qu’il s’agit de sévir contre un allié ou un partisan. Cela reviendrait à une sorte d’harakiri politique. En effet, sur ce terrain, le « jusqu’auboutisme » est synonyme du sacrifice ultime politique puisqu’il pourrait aboutir à la perte du pouvoir d’Etat. Ce qui n’est pas un frein dans le cas du CNSP qui est censé préparer le terrain et les règles du jeu aux acteurs politiques. Dans ce sens, l’on doit poser les jalons pour une véritable culture de bonne gouvernance.

Au-delà des recettes profanes et temporelles, il faut essayer d’autres approches, d’autres valeurs pour un changement radical de comportement face au bien public. En tant musulmans, pourquoi ignorer les bonnes pratiques tirées de nos références ? « La foi implique l’honnêteté, la droiture, le perfectionnement de son travail, le rejet de l’abus, du vol, du mensonge, de la corruption, le dévouement pour les autres, l’amour du prochain, le partage, la préférence de l’intérêt général. Vraiment, la foi est la solution à la corruption et la mauvaise gestion. Par ailleurs, l’Islam nous donne des principes dans tous les domaines de la vie qui permettent d’avoir des meilleurs résultats », a déclaré un prédicateur. Dans cette optique l’économie est intimement liée à l’éducation, à la spiritualité des acteurs. C’est par la crainte d’Allah dont le regard est braqué sur nous de façon permanente que nous sommes à même de préserver les biens publics et privés. C’est avec une telle dimension qu’on pourrait faire économie de la multitude de structures de lutte contre la corruption qui s’avèrent inopérantes et inutilement budgétivores. A propos de la corruption notre prédicateur ci-haut renchérit : « La première chose est de refuser de la prendre. Cet argent illicite est un poison et une malédiction pour vous et vos proches que vous nourrissez. Ensuite, il faut refuser de la donner, lutter contre elle et la dénoncer pour changer le mal, comme a dit le Prophète (SAW) : « Quiconque parmi vous voit un mal qu’il le change ».

A la vérité, nous disons à l’endroit du CNSP qu’il faudrait des actions citoyennes en profondeur en ce sens que la putréfaction est réelle au niveau des mœurs.

Au regard de la persistance du phénomène et l’échec des pouvoirs publics à l’éradiquer, il est nécessaire d’agir à la base en enseignant Dieu à l’école. Il faut peut-être une union sacrée pour bouter la corruption au Niger. Avec la foi, on peut déplacer des montagnes, dit-on.

Abou Soumaya

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