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Editorial : Pour la grandeur de la Turquie et la préservation des valeurs

Erdogan hier, Erdogan aujourd’hui ! A l’issue du second tour de l’élection présidentielle du dimanche 28 mai dernier, le président Recep Tayyip Erdogan (69 ans) demeurera encore, pour cinq années supplémentaires le grand maître de la Turquie, après 20 ans à la tête du pays. Ainsi en a décidé le peuple turc qui l’a crédité de 52,1% des suffrages, contre 47,9% pour son challenger Kemal Kiliçdaroglu (74 ans), soutenu par une coalition des partis de l’opposition. Réformateur sunnite audacieux qui redonna à l’islam et aux musulmans une noblesse remarquable au-delà de la Turquie, Erdogan avait donc en face un laïc, se revendiquant de la foi alévie dans une vidéo mise en ligne le 19 avril dernier. L’alévisme est un sulfureux courant minoritaire d’obédience chiite duodécimaine, proche des Nusayrîs qu’Ibn Taymiyya a traité de la pire des mécréances. Kiliçdaroglu est aussi un kémaliste dans l’âme : « En promettant d’affranchir le pays des controverses religieuses, Kiliçdaroglu s’inscrit dans les pas d’Atatürk », écrit le journal « Le monde » dans son édition en ligne du 9 mai 2023.
Le kemalisme est la doctrine de Mustapha Kemal Atatürk (1881-1938), le général de l’armée qui supprima le califat musulman en Turquie et initia un laïcisme de modèle français : abolition de la polygamie, fermeture et transformation des écoles coraniques en écoles laïques mixtes, interdiction du voile, imposition de la casquette en lieu et place du fez ottoman et transformation de la mosquée Hagia Sophia en musée en 1934 (jusqu’en 2020 où Erdogan rétablit la mosquée).
Cette élection pleine d’enjeux d’ordre géopolitique a été suivie de près aux quatre coins du monde, notamment du côté européen où l’on comptait sur une victoire de Kiliçdaroglu pour se débarrasser enfin d’un dirigeant intransigeant et difficile à manœuvrer sur certaines questions chères au monde unipolaire.
Aussi, durant toute la campagne, le bloc européen a-t-il appuyé sur presque toutes les manettes pour créer les conditions de propulser le candidat de l’opposition en tête du scrutin. Il suffisait d’écouter (ou de lire) les médias mainstream pour mesurer l’engagement à peine voilé des pays occidentaux. Sur presque toutes les chaines et à travers les grands titres de presse, le ton était le même, et il participe à indexer avec hargne le président-candidat comme étant un dirigeant peu soucieux des valeurs démocratiques, sinon carrément un ‘’dictateur’’, que les électeurs se doivent d’en débarrasser la Turquie. Pour ce faire, les pronostiqueurs misaient sur trois données, à savoir l’usure des 20 années de pouvoir, la situation économique marquée par un fort taux d’inflation et l’appauvrissement de la population, mais aussi et surtout les conséquences du tragique séisme ayant fait, en février 2023, soit environ trois mois avant l’a présidentielle, plus de 50 000 morts et 3 millions de sans-abris.
Il faut dire que cette posture de l’Ouest à l’égard du président Erdogan, se comprend aisément au regard des innombrables désaccords, voire antagonismes, qui dominent leurs relations, notamment par rapport à certains dossiers diplomatiques et socio-culturels.
Grand défenseur de l’Islam, il ne mâche pas ses mots pour fustiger l’hostilité contre les musulmans et leur religion. « La montée de l’islamophobie en Occident s’apparente à une attaque totale contre le Coran et son prophète », a-t-il lancé à la face des dirigeants européens. Musulman convaincu, il ne cache pas son aversion contre le mouvement LGBT qu’il accuse de vouloir détruire les valeurs fondamentales de l’islam et de la cellule familiale. D’ailleurs le soir de sa victoire, Erdogan a accusé tout le parti de son adversaire malheureux d’être LGBT.
On comprend bien le choix des électeurs qui, au lieu du candidat qui promettait de jouer la carte européenne, ont finalement décidé de remettre leur sort et celui de leur pays dans les mains plus sures de ce dirigeant fort qui se pose en vaillant défenseur des valeurs et de la grandeur de la Turquie, héritière de l’empire ottoman. Et comme pour leur dire qu’ils n’ont pas eu tort de lui faire confiance, il leur a lancé ces mots forts et très conciliants : « Il est temps de mettre de côté les disputes de la campagne électorale et de parvenir à l’unité et à la solidarité autour des rêves de notre nation ». Autant dire que cette victoire d’Erdogan doit être saluée comme étant un triomphe pour la sauvegarde des valeurs de l’Islam et la grandeur de la Turquie.
Maïda Hâma
Al Wassatiyah Niger N°002 juin 2023