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Lettre ouverte d’Ali Zada au Premier ministre du Niger
A mon frère en Islam, le Premier Ministre Mahamane Ali Lamine Zeine,
Je m’adresse à un frère en Islam avec lequel nous avons une très ancienne estime mutuelle, forgée dans la fraternité islamique et l’engagement militant au service de notre noble religion. Je vais donc te tutoyer, connaissant ton affabilité, ton humilité et ta considération pour les gens ordinaires comme moi, autant de qualités que seule la foi en Allah confère au fils d’Adam.
Je puis dire sans me tromper que tu es le premier ministre le plus instruit en Islam et le plus proche des milieux religieux que le Niger ait connu. Loin de moi l’idée d’oublier Son excellence Mamane Oumarou, un homme de grande piété qui a soutenu le journal Islamique IQRA en son temps. Paix sur Alio Mahamidou, ancien premier ministre, fervent croyant et grand soutien de l’Islam, qui assistait aux prêches de Cheikh Youssouf Diallo en ses dimanches libres. J’ai appris à ne considérer que les gens qui aiment Allah. C’est mon droit.
Mon cher frère,
Le sacre de notre jeune frère Oubaidoullah comme champion mondial en lecture du Coran m’autorise cette sortie pour plaindre le peu de cas que les autorités nigériennes lui ont témoigné, si l’on en juge par l’accueil discret, pour ne pas dire banal et froid qu’il reçut de la part de l’autorité d’une simple direction administrative. Oubaidoullah est pourtant le premier musulman à se distinguer avec 100% des points dans cette compétition internationale. Il faut en effet plaindre que l’évènement fut passé en second plan, peut-être en raison du championnat de lutte traditionnelle qui suscite beaucoup de passions et nourrit à l’occasion, la discorde nationale. Mais cela n’est point suffisant. Il faut chercher cette indifférence de l’État et de l’élite nigérienne pour la chose islamique, dans les fondements laïcs de la gouvernance et la déculturation de tous ceux qui depuis plus de six décennies nous gouvernent sans référence à Allah et à sa religion.
Je sais que cette question t’intéresse au plus point, c’est pourquoi je saisis l’occasion, à un moment crucial de notre histoire, à un tournant important de la lutte de notre peuple pour son émancipation politique, pour renouveler les craintes des musulmans de voir l’Islam encore perdant dans le deal politique et idéologique qui est en train de se préparer. Depuis la conférence nationale, aucune réforme constitutionnelle et de gouvernance n’a fait la moindre place à l’Islam. Les constitutions se répètent avec la même insulte à ce peuple croyant, en sa formule laconique mais au contenu mécréant et dévastateur qu’est la « séparation de l’État et de la religion ». Il faut en effet un État séparé de la religion pour réserver à Oubaidallah un accueil qu’on peut qualifier de « zuwan kare da aboki », autrement dit l’arrivée du chien avec son ami, ainsi que la langue hausa décrit si bien un accueil indifférent et sans chaleur. J’ai juste imagé la situation. Que des esprits superficiels et sans culture ne donnent point une autre interprétation à ma parabole.
Certes, nous sommes au Niger toujours un peu froid dans l’accueil de nos champions. Abdoul Razak Issoufou Alfaga, champion de Taekwondo n’a pas vu devant lui des foules particulièrement hystériques en débarquant avec ses médailles.
Mon cher frère,
En 1991, j’ai assisté à Téhéran à un concours de récitation du Coran, entre des virtuoses iraniens et égyptiens. C’est ce jour que j’ai compris toute l’importance qu’un État sérieux peut accorder à la culture spirituelle, pour éloigner sa jeunesse des fléaux promus par la culture occidentale au service du Diable. Car vois-tu cher frère, l’enjeu dans le siècle actuel est de sauver l’homme de la déchéance morale et spirituelle. L’humanité est au bord d’un abîme moral qui pourrait amener à sa disparition. C’est cette menace que les esprits véritablement éveillés doivent intégrer dans leur perception du monde. Aussi, pour notre noble religion, sauver l’humain au-delà des frontières nationales constitue l’achèvement des ambitions individuelles et collectives. Et sauver l’humain c’est le sauver des pièges de Satan et de ses suppôts qui œuvrent tous les jours à ruiner les religions, à séparer l’homme de Dieu en séparant l’Etat de la religion, car comme l’a dit l’Imam Khomeiny aux musulmans, « si on vous sépare de la politique, on vous séparera de la religion ».
Obaidullah est un héros national. Il est la quintessence de tous ces gens simples, parmi lesquels hommes, femmes et enfants, qui grouillent quotidiennement dans les makaranta pour apprendre le Coran. Beaucoup ont par bonheur découvert le Coran à un âge avancé mais ne s’emploient pas moins à l’apprendre pour terminer leur vie dans l’agrément du Seigneur. Obaidullah est la récompense d’Allah au peuple nigérien pour son attachement au Coran et aux valeurs de l’Islam. Sous d’autres cieux, Obaidullah eut eu un accueil à un niveau plus élevé que ce qu’il connut. Peut-être par le président du CNSP qui a accueilli dans son bureau un jeune troubadour, chanteur laudateur venu de Maradi. En tout cas Obaidullah méritait au moins que toi, Lamine Zeine, Premier Ministre et homme attaché au Coran, l’accueillît, au nom de toute la communauté musulmane du Niger et de la Oumma, car vois-tu, même la oumma islamique devrait se sentir frustrée par le peu de cas réservé à ce digne fils de la communauté de Muhammad (Paix et Salut sur lui).
Pourtant, de vains bruiteurs dits « panafricanistes » ont reçu tous les honneurs officiels et populaires. J’estime en effet que ce sont les prières des musulmans qui ont sauvé ce peuple des dangers qui l’ont en ligne de mire depuis six mois. Nos oulémas ont marché avec le peuple. Ils ont prié à la Place de la Résistance en haranguant le peuple et en faisant le Qounout. Dans le secret de leurs nuits, des croyants anonymes appellent sans relâche la protection d’Allah et sa miséricorde sur ce pays. En tant que croyant, tu le sais bien mon cher frère, qu’Allah aime ce pays et qu’il le protège. Pourquoi alors nous entêtons-nous à ignorer ce trésor qu’est le Coran et faire de ses récitants des personnes sans importance ? C’est certes la culture laïque d’un Etat séparé de la religion qui veut que la religion n’entre pas en ligne de compte dans les décisions de l’Etat. En effet le fait qu’une chose soit contre les valeurs de l’Islam ne suffit pas comme argument devant l’Etat pour l’abandonner et qu’une chose soit vantée par l’Islam ne lui suffit non plus pour l’adopter. Ce faisant, nous demeurons encore dans la domination française. Nous avons chassé l’armée française. Mais l’arme française la plus néfaste et perfide demeure encore en la forme d’une doctrine étatique laïque, d’une culture matérialiste occidentale en décadence et d’une élite à l’esprit vide d’idéologie, se montrant incapable de réformer un pays. J’ai en effet participé à quelques joutes sur la refondation et j’en sors très déçu, car les gens font appel à la même doctrine néolibérale matérialiste avec laquelle la France nous crétinise, nous affaiblit, nous asservit et nous pille. Dans les débats les gens veulent encore d’un Niger où Allah sera cantonné loin de leurs affaires. Or, nous connaissons la vanité de cette voie et qu’elle ne nous amènera qu’à recommencer les choses dans une autre trentaine d’années, car toute refondation qui ne tiendrait pas compte de l’Islam au Niger, serait une réforme au service du Diable et vouée à être récupérée par son suppôt qu’est la France. Allah a envoyé la religion pour libérer l’humanité d’elle-même et du Diable. Écarter la religion de notre vie c’est nous dénuder, nous désarmer et nous rendre pieds et poings liés à Satan et à ses suppôts.
Dans nos discours nous appelons Allah, mais nous le refusons dans la sphère publique. Nous accourons à l’appel à la prière en cessant toutes activités dès le premier cri du muezzin. Mais nous refusons d’emprunter à cette religion riche de valeurs, une reconnaissance et une contribution dans la gestion de notre société. Je sais que tu n’es pas de ceux qui ne se gênent point de ne voir Allah, l’Islam, le Coran ou même le mot « musulman » dans aucune de nos constitutions. Je sais que tu n’es pas de ceux qui ne croient pas en Allah et en Son livre, et qui veulent gouverner les Nigériens avec leur vision mécréante et rebelle vis-à-vis d’Allah. Beaucoup de ceux qui ne voulaient pas voir Allah mentionné dans la constitution du Niger en sont déjà pour leurs frais, car couverts de dépit. Beaucoup furent détrônés du haut de leur morgue et arrogance pour vivre la prison et l’exil. C’est pourquoi, et tu mesures autant que moi son importance, un débat franc sur la religion doit être tenu. La séparation de l’Etat et de la religion a été une valeur décidée dans les cercles qui rédigent les constitutions, sans jamais l’avis du peuple. En 1999 j’ai participé au nom des associations islamiques à la rédaction de la constitution promue par Daouda Malam Wanké. Nous avions reçu dans les bras un texte tout écrit que nous devrions adopter en lui apportant quelques retouches de pure forme.
Mon cher frère,
Nous sommes un pays musulman à plus de 98% de sa population. Gouverner un tel pays en s’inspirant d’une doctrine mécréante dictée par la France n’est pas une attitude responsable, pour peu que notre élite le soit. L’occident est en ruine morale. L’homme et l’animal n’ont de frontières entre eux dans cette civilisation. La famille y éclaté. Toute la société est faite de gens qui se côtoient sans se parler. Est-ce ce type de société que l’œuvre de refondation du Niger doit viser ? Que sommes-nous et voudrions-nous aller ? Je répondrais que nous sommes des croyants et que nous voudrions terminer au Paradis. Un Etat qui se refuse à nous aider à avoir le Paradis n’est pas dans nos cœurs. Que ceux qui ne veulent pas du Paradis me répondent.
À toutes fins utiles, on ne refonde pas un Etat dans le vide idéologique. L’Etat est toujours adossé à une doctrine, qu’elle soit matérialiste (néolibérale, communiste, socialiste) ou religieuse (Bouddhiste, hindouiste, confucéenne, chrétienne, juive ou musulmane). C’est un débat intéressant à lancer dans ce pays.
Qu’Allah renforce notre foi. Qu’Il nous éloigne du shirk, de l’hypocrise, du doute, de la mécréance et de la rébellion individuelle et collective contre Lui.
Ali Zada